Le tabagisme paternel induit l'asthme chez ses futurs enfants via des modifications apportées aux gènes immunitaires, conclut cette équipe de l'Hôpital Po-Zen de Taïwan, dans la revue Frontiers in Genetics. Ainsi, les enfants exposés au tabagisme paternel avant la naissance sont plus susceptibles de développer l'asthme, et le niveau des changements épigénétiques entraînés par le tabagisme paternel semble prédire de manière dose-dépendante le niveau de risque d'asthme supporté par l'enfant, plus tard dans la vie.
On savait déjà que l'exposition à la fumée du tabac au cours du développement a des effets nocifs sur la santé future des enfants et que des modifications « épigénétiques » non codantes de l'ADN (telles que la méthylation) sont impliquées dans cette augmentation du risque. Cette étude est la première à démontrer que, tout comme le tabagisme maternel ou la pollution de l'air, le tabagisme paternel pendant la grossesse peut entrainer des modifications épigénétiques, sur des gènes clés du système immunitaire, avec des conséquences néfastes sur la santé de l'enfant, plus tard dans la vie.
Les nourrissons exposés au tabagisme paternel avant la naissance présentent un risque d'asthme plus élevé
L’étude est menée auprès de 1.629 familles taïwanaises, dont le mode de vie et la constitution génétique ont été analysés pour déterminer ce rapport entre le tabagisme chez les pères pendant la grossesse, et le risque d'asthme chez les enfants. Précisément, l’équipe a suivi les enfants de la naissance, à 18 mois (1.348) et jusqu’à 6 ans (756), avec des évaluations médicales et des analyses de l'ADN à plusieurs points du suivi.
- 23% des pères étaient des fumeurs, vs 0,2% des mères, une « configuration » unique pour étudier les effets du tabagisme paternel ;
Les nourrissons exposés présentent un risque d'asthme accru à l'âge de 6 ans par rapport aux autres enfants ; « Nous constatons que l'exposition prénatale au tabagisme paternel est associée à une méthylation accrue de certains gènes immunitaires, ce qui modifie la lecture du code génétique », résume le Dr Chih Chiang Wu, auteur principal et praticien à l'Hôpital Po-Zen de Taïwan.
- les nourrissons exposés à un tabagisme paternel correspondant à plus de 20 cigarettes par jour avant la naissance présentent un risque accru de 35% ;
- plus l’exposition au tabagisme paternel est élevée, plus élevé est le niveau de méthylation des gènes LMO2, IL10 et GSTM1 connus pour jouer un rôle clé dans la fonction immunitaire ;
- cette méthylation confirme un lien mécanique entre exposition et risque d'asthme : la combinaison de niveaux de méthylation plus élevés de ces 3 gènes correspond au risque d'asthme le plus élevé : 43% vs aucune exposition. La recherche révèle ainsi des cibles ADN possibles, à la fois pour la prédiction précoce du risque et « l’inversion » de l’asthme infantile associé au tabagisme.
Une méthylation de l'ADN associée à un risque d’asthme durable : les chercheurs montrent que la méthylation en question est significativement conservée de la naissance à 6 ans.
Les auteurs concluent que l'exposition prénatale au tabagisme paternel programme des modifications épigénétiques des gènes immunitaires, conservées dans l'enfance et qui contribuent au développement de l'asthme chez l'enfant. Alors qu’ici c’est la preuve d’une association qui est apportée, il reste à démontrer que la méthylation de l'ADN provient bien de l'exposition in utero à la fumée du tabac, de modifications du sperme du père avant la conception ou d’identifier d’autres causes éventuelles.
Ces prochaines recherches visant à clarifier les processus sous-jacents à ces modifications épigénétiques des gènes immunitaires dans le développement de l'asthme associé au tabagisme paternel, pourraient aboutir à de nouvelles stratégies de prédiction et même d'inversion de l’asthme chez ces enfants exposés….
Source : Frontiers in Genetics 31 May 2019 DOI : 10.3389/fgene.2019.00471 Paternal Tobacco Smoke Correlated to Offspring Asthma and Prenatal Epigenetic Programming
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