Selon l’OMS, 33 millions de personnes dans le monde ont subi un AVC et 102 millions d’années de vie ont été perdues du fait d’un handicap ou du décès. Cette étude de l'université de Carnegie Mellon nous permet de mieux comprendre comment le cerveau récupère d'une blessure ou d’un accident vasculaire cérébral. Précisément, les chercheurs montrent comment les dommages au cerveau causés par l’AVC peuvent entraîner une déficience visuelle permanente. Des résultats présentés dans les Proceedings of the Royal Society B qui inspirent un protocole pour mieux identifier les zones de vision récupérables et intervenir de manière plus efficace pour récupérer la vision. Mais pas seulement.
Le protocole de traitement comprendrait un test du champ visuel et un examen de la vue afin d'identifier la discordance entre le déficit visuel et la dégénérescence des cellules ganglionnaires de la rétine. Cela permettrait d’identifier les connexions intactes entre les yeux et le cerveau et d’utiliser ces données pour cibler les thérapies de rééducation visuelle sur les zones du champ de vision les plus susceptibles de récupérer. Ainsi, le visuel ci-dessous montre une dégénérescence de l'œil (visible sur le coin inférieur droit) après un AVC dans la zone de traitement visuel du cerveau (en noir sur visuel de droite).
Une cascade de processus après l’accident vasculaire cérébral : c’est ce que décrypte et décrit l’équipe de Pittsburgh, en se concentrant sur le centre visuel du cerveau et en expliquant comment cela conduit finalement à des modifications de la rétine. En comprenant plus précisément quelles connexions entre les yeux et le cerveau restent intactes après un accident vasculaire cérébral, les chercheurs espèrent pouvoir trouver le moyen de « booster » la neuroplasticité dans le but de restaurer la vision -ou d’autres fonctions- chez les patients.
Explication : Lorsqu'un accident vasculaire cérébral survient dans le cortex visuel primaire, les neurones responsables du traitement de la vision peuvent être endommagés. En fonction de l'étendue des dégâts, cela entraîne des zones aveugles dans le champ de vision. Alors que certains patients retrouvent spontanément la vision au fil du temps, la perte est pour la plupart permanente. L'atrophie progressive des cellules des yeux, appelées cellules ganglionnaires rétiniennes, est une conséquence connue depuis longtemps des dommages causés aux neurones dans cette zone du cerveau. Mais, tant que l'œil n'est pas blessé dans l'AVC, les cellules de la rétine qui envoient des projections aux zones du cerveau endommagées vont dégénérer avec le temps. Une fois ce mécanisme en marche, il devient de plus en plus improbable que la vision se rétablisse « sur » cette zone aveugle. L’étude montre qu’il est possible d’identifier ces zones du champ de vision récupérables, chez 15 patients traités pour AVC ayant affecté la zone de traitement visuel primaire du cerveau. Les participants ont passé des tests de vision, subi une analyse IRM pour identifier les zones d'activité cérébrale et ont subi un test évaluant l'intégrité des cellules de la rétine. L’équipe constate que la survie des cellules ganglionnaires de la rétine dépend de l’activité ou non de la zone visuelle primaire du cerveau auquel elles sont connectées. Les cellules oculaires connectées à des zones du cortex visuel qui ne sont plus actives s'atrophient et dégénèrent, entraînant une déficience visuelle permanente.
Certaines cellules de l'œil restent en bonne santé, même si le patient ne peut pas voir le champ de vision correspondant. Cette découverte suggère que ces cellules oculaires restent connectées à des neurones indemnes du cortex visuel et que des données visuelles, bien que non interprétées par le cerveau, se dirigent toujours des yeux vers le cortex visuel. Or, si le centre de traitement visuel principal du cerveau reste intact et actif, des approches cliniques exploitant la plasticité du cerveau pourraient conduire alors à la récupération de la vision.
Un nouvel essai clinique sur ces patients ayant subi un AVC avec perte de vision est actuellement en cours et porte sur une classe de médicaments appelés inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, dont le plus courant est l'antidépresseur Prozac, connus pour améliorer la neuroplasticité. L'hypothèse est que le médicament permettra de restaurer la vision en favorisant le développement de nouvelles connexions entre les zones du cerveau nécessaires à l'interprétation des signaux provenant des cellules oculaires saines. D’autres approches cliniques pourraient chercher à maximiser le potentiel de récupération en ciblant plus efficacement les régions aveugles dans le champ de vision. Enfin, un programme d’entraînement visuel qui aide à la récupération de la vision après un AVC vient d’être développé par l’équipe.
Enfin, ces données vont être intégrées à l’Open Brain Project, une nouvelle plate-forme numérique d'exploration du cerveau humain. « Le domaine des neurosciences est en train de changer radicalement vers la science ouverte, ce qui encouragera de nouvelles collaborations et méthodes de recherche. Une des pierres angulaires de cette solution est de fournir un accès ouvert aux ensembles de données dans un format standard, de sorte qu'ils puissent être agrégés et réutilisés pour étendre les découvertes en neurosciences ».
Source: Proceeding of the Royal Society B 27 February 2019 DOI : 10.1098/rspb.2018.2733 Survival of retinal ganglion cells after damage to the occipital lobe in humans is activity dependent (Visuel Schneider et al.)
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