Ces chercheurs de la Simon Fraser University (SFU, Canada) appellent à une meilleure éducation des patients sur cet effet méconnu des antidépresseurs : ces médicaments censés réduire la sensibilité émotionnelle, réduisent la sensibilité génitale…Des conclusions, publiées dans la revue Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, qui alertent donc sur ces effets secondaires sexuels qui constituent « le syndrome de dysfonction sexuelle post-ISRS ».
De plus, souligne l’un des auteurs principaux, Yassie Pirani, chercheur à la SFU, cette réduction de la sensibilité génitale réduite persiste bien après l'arrêt du médicament : « cet effet secondaire est passé inaperçu pendant si longtemps, en grande partie à cause de la stigmatisation, de la honte et de l'embarras. Chez certains patients, il disparaît avec le temps, mais pour beaucoup d’entre eux, il perdure. Nous avons l’exemple d’un patient ayant développé ce syndrome à l'âge de 33 ans. Il a maintenant 66 ans et en souffre toujours ».
Le syndrome de dysfonction sexuelle post-ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) est un syndrome de dysfonction sexuelle persistante, peu étudié et peu signalé, causé par l'utilisation d'antidépresseurs ISRS et IRSN (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline). Dans ce syndrome, la fonction sexuelle ne revient pas à la normale après l'arrêt du traitement.
L'étude analyse les données d’une enquête menée auprès d’environ 9.600 participants jeunes adultes, portant sur différents facteurs pouvant façonner les expériences liées au genre et à la sexualité pendant l’adolescence et le début de l’âge adulte. Les participants ont été interrogés sur la prise d’antidépresseurs et les symptômes associés, dont le symptôme d’engourdissement génital, connu sous le nom d’hypothyroïdie génitale, également un symptôme du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). L’analyse révèle ainsi que :
- 13 % des personnes ayant utilisé des antidépresseurs signalent une réduction de la sensibilité génitale vs 1 % des utilisateurs d’autres médicaments psychiatriques ;
- la fréquence de l’hypothyroïdie génitale chez les personnes ayant déjà utilisé des antidépresseurs est plus de 10 fois supérieure à la fréquence observée chez les personnes ayant utilisé un autre médicament psychiatrique (comme des antipsychotiques ou des sédatifs).
Une forte dégradation de la sexualité et de la qualité de vie : un auteur témoigne : « j'ai parlé à des adolescents qui souffrent de ce syndrome et c'est dévastateur. Cette expérience est véritablement pénible car il ne s'agit pas seulement d'engourdissement des organes génitaux, mais aussi d’impuissance, ce qui constitue « un préjudice grave » ». Ainsi, si pour certaines personnes, cete perte de sensibilité est légère, avec une perte de sensations, estimée à 20 %, pour d’autres personnes, il s'agit d'un engourdissement complet.
Plus largement, l’étude rappelle le risque d’impact possible des interventions pharmacologiques sur les expériences sexuelles des jeunes et l’urgence d’une meilleure compréhension de ces effets », conclut Travis Salway, professeur agrégé à la SFU et auteur principal de l’étude.
Quel mécanisme ? A ce stade, les chercheurs ne savent pas expliquer ces effets de perte de sensibilité génitale et de dysfonction sexuelle : « Il n’existe aucune explication médicale de cet engourdissement des organes génitaux en raison d’une dépression ou d’une anxiété ».
Le message des auteurs est à ce stade, plus d’éducation et plus d’avertissements pour les patients ainsi qu’une meilleure formation des prescripteurs sur ces effets possibles des antidépresseurs.
Source: Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology DOI: 10.1007/s00127-024-02769-0 Frequency of self-reported persistent post-treatment genital hypoesthesia among past antidepressant users: a cross-sectional survey of sexual and gender minority youth in Canada and the US
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