Ces chercheurs de la Stanford Medicine collent 2 protéines ensemble dont la protéine mutée oncogène responsable du lymphome, ce qui rétablit le processus d'apoptose ou de mort des cellules cancéreuses. Cette nouvelle technique « d'autodestruction programmée et ciblée », présentée dans la revue Science, qui active un ensemble de gènes poussant les cellules de lymphome à s’autodétruire, ouvre la voie à une nouvelle stratégie contre le lymphome tout en évitant le risque de résistance tumorale au traitement. Une nouvelle stratégie qui pourrait trouver des applications dans de nombreux autres types de cancers.
Notre corps se débarrasse de 60 milliards de cellules chaque jour grâce à un processus naturel d'élimination et de renouvellement cellulaire appelé apoptose. Ces cellules – principalement des cellules sanguines et intestinales – sont toutes remplacées par de nouvelles, mais la façon dont notre corps se débarrasse des cellules sénescentes et des déchets cellulaires, pourrait aussi être exploitée pour se débarrasser des cellules cancéreuses.
Exploiter ce processus naturel de mort cellulaire, l’apoptose, pour tromper les cellules cancéreuses et les inciter à s’autodétruire, apparaît aujourd’hui possible avec cette nouvelle technique moléculaire : en réunissant artificiellement 2 protéines de telle manière que le nouveau composé formé active un ensemble de gènes de la mort cellulaire, poussant finalement les cellules tumorales à se retourner contre elles-mêmes.
L’auteur principal, le Dr Gerald Crabtree, professeur de biologie du développement a conçu cette stratégie lors d’une promenade dans les forêts de Kings Mountain, à l’ouest de Palo Alto, en Californie, durant laquelle il pensait aux étapes importantes de la biologie. L’une de ces étapes est la découverte, dans les années 70, du processus d’apoptose par lequel les cellules déclenchent leur propre mort pour le plus grand bien de l’organisme.
L’apoptose s’avère essentielle à de nombreux processus biologiques,
notamment au bon développement de tous les organes et au réglage fin de notre système immunitaire. Ce système conserve les cellules qui reconnaissent les agents pathogènes mais tue celles qui se reconnaissent elles-mêmes, prévenant ainsi les maladies auto-immunes.
Le chercheur a eu l’idée d’exploiter ce processus naturel contre le cancer : « pour lutter contre le cancer, nous recherchons le même type de mécanisme permettant d’éliminer des cellules toxiques
sans blesser aucune autre cellule qui n’est pas la cible du mécanisme de destruction ».
On sait que les principaux effets secondaires de traitements comme la chimiothérapie et la radiothérapie, sont liés au grand nombre de cellules saines tuées, en plus des cellules cancéreuses. L’objectif est donc bien d’exploiter les capacités d’autodestruction naturelles et hautement spécifiques des cellules.
L’étude a permis le développement d’une molécule, une sorte de colle moléculaire qui lie ensemble 2 protéines qui n’auraient normalement rien à voir l’une avec l’autre. L’une de ces molécules est la protéine BCL6, qui lorsqu’elle est mutée, est à l’origine du développement du lymphome diffus à grandes cellules B. Dans le lymphome, la protéine oncogène BCL6 se trouve sur l’ADN à proximité des gènes favorisant l’apoptose et les maintient désactivés, ce qui permet aux cellules cancéreuses de se multiplier et de se propager.
Ici, les scientifiques collent la protéine oncogène BCL6 à une protéine connue sous le nom de CDK9, qui agit comme une enzyme qui inhibe l'action de BCL6 oncogène, catalyse au contraire l’activation des gènes, dans ce cas, en activant l’ensemble des gènes d’apoptose- que BCL6 maintient normalement désactivés.
Cette jonction des 2 protéines envoie un signal de destruction du cancer : en collant les 2 protéines, « cela désactive quelque chose qui est normalement activé »,
« le scénario est inversé », l’apoptose est relancée.
« Depuis que les oncogènes ont été découverts, les scientifiques tentent de les désactiver dans le cancer. Au lieu de cela, nous les détournons pour activer le signal d’apoptose spécifiquement pour les cellules cancéreuses ».
- Une première preuve de concept in vitro est apportée par l’équipe, qui teste ce collage sur des lignées de cellules de lymphome diffus à grandes cellules B et constate en effet une élimination puissante et ciblée des cellules cancéreuses ;
- la molécule testée in vivo sur des souris en bonne santé n’induit, de plus, aucun effet secondaire toxique évident ;
- enfin, des tests in vivo sur des souris modèles de lymphome sont actuellement en cours.
Comment ça marche ? BCL6 agit normalement sur 13 gènes différents favorisant l’apoptose. En bloquant l’effet contraire de la protéine mutée, cela relance l’action destructrice du groupe de gènes contre les cellules tumorales, sans risquer l’apparition d’une résistance au traitement.
L’équipe projette de développer des molécules similaires qui ciblent d’autres protéines cancérigènes, notamment l’oncogène Ras, à l’origine de plusieurs autres types de cancer.
Source: Science 4 Oct, 2024 DOI: 10.1126/science.adl5361 Relocalizing transcriptional kinases to activate apoptosis
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