Des symptômes visuels bizarres pourraient-ils être un signe révélateur de la maladie d’Alzheimer ? Cette équipe de neurologues de l’Université de Californie – San Francisco (UCSF) publie, dans le Lancet Neurology, la première étude à grande échelle sur l’atrophie corticale postérieure (ACP), une constellation déconcertante de symptômes visuospatiaux qui sont bien de premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer. Ces symptômes qui surviennent dans jusqu’à 10 % des cas de maladie d’Alzheimer constituent ainsi de nouveau marqueurs de la maladie.
L’étude a suivi plus de 1.000 patients répartis sur 36 sites dans 16 pays. Elle conclut en substance que l’atrophie corticale postérieure (ACP) prédit « massivement » la maladie d’Alzheimer.
94 % des patients atteints d’ACP souffrent d’Alzheimer,
les 6 % de participants restants, avec ACP, souffrant d’autres maladies neurologiques comme la maladie à corps de Lewy et la dégénérescence frontotemporale. Ces données sont à mettre en regard de l’association mieux connue entre la perte de mémoire et l’Alzheimer, soit : 70 % des patients qui souffrent de perte de mémoire sont atteints de la maladie d’Alzheimer. Enfin, 60 % des patients atteints d’ACP sont des femmes.
L’atrophie corticale postérieure un marqueur très puissant d’Alzheimer
L’ACP, une maladie neurodégénérative progressive rare qui endommage la région postérieure du cerveau, induit des symptômes bien spécifiques : les patients atteints ont des difficultés à évaluer les distances, à faire la distinction entre les objets en mouvement et les objets fixes et à accomplir des tâches comme écrire ou attraper un objet.
Si l’examen de la vue est généralement normal chez ces patients,
ils présentent, au moment du diagnostic, des troubles visuels spécifiques, un « déficit de perception de l’espace » ou une « simultanéanagnosie », soit l’incapacité à percevoir visuellement plus d’un objet à la fois, précise l’auteur principal, le Dr Marianne Chapleau, chercheur au département de neurologie. La plupart des patients atteints d’ACP ont une cognition normale au début, mais au moment de leur première visite de diagnostic, soit en moyenne 4 ans après l’apparition des premiers symptômes, leur démence légère ou modérée devient apparente avec des déficits identifiables de mémoire, de fonction exécutive, de comportement et de langage :
- au moment du diagnostic, 61 % présentent une « dyspraxie constructive »,
- une incapacité à copier ou à construire des diagrammes ou des figures de base ;
- 49 % présentent ce « déficit de perception de l’espace » ;
- 48 % souffrent de « simultanéanagnosie » ;
- 47 % ont des difficultés en calcul et 43 % en lecture.
Sensibiliser à cette pathologie qu’est l’ACP, une pathologie encore mal connue notamment chez les professionnels de soins primaires, pourrait contribuer à un meilleur dépistage de l’Alzheimer. De plus mieux connaître les symptômes visuels spécifiques, orienter ces patients vers un ophtalmologiste pourrait également contribuer à détecter dès le début la maladie et mettre en œuvre un traitement.
D’autant que l’âge moyen d’apparition des symptômes de l’ACP est de 59 ans, soit de nombreuses années avant l’apparition des premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer typique. Cette identification précoce de l’ACP pourrait aussi avoir des implications importantes pour le traitement de la maladie d’Alzheimer, les patients atteints d’ACP apparaissant éligibles aux thérapies anti-amyloïdes, comme le lécanemab (Leqembi), approuvé par l’Agence américaine FDA ainsi qu’aux thérapies anti-tau, actuellement en cours d’essais cliniques.
Une meilleure compréhension de l’ACP est donc cruciale pour faire progresser les soins aux patients et pour comprendre les processus à l’origine de la maladie d’Alzheimer.
Source: The Lancet Neurology Feb, 2024 DOI:10.1016/S1474-4422(23)00414-3 Demographic, clinical, biomarker, and neuropathological correlates of posterior cortical atrophy: an international cohort study and individual participant data meta-analysis
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