Cette équipe de biologistes et neurologues de l’Université de Southampton revient sur l’importance cruciale du sommeil et de l’horloge biologique, dans la santé mentale. Les troubles du sommeil et un dérèglement de notre horloge biologique interne suffisent à déclencher ou aggraver toute une série de troubles psychiatriques, révèlent ces travaux publiés dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS). En fin de compte, les scientifiques suggèrent qu’une meilleure compréhension de ce trio « clé » : santé mentale, sommeil et rythmes circadiens pourrait révéler de nouveaux traitements holistiques pour certains troubles psychiatriques.
Un constat simple peut déjà être effectué :
« Les troubles du sommeil sont plutôt la règle que l’exception dans tous les troubles psychiatriques », relève l’un des auteurs principaux, le Dr Sarah L. Chellappa de l’Université de Southampton : « Les troubles du sommeil et notamment l’insomnie, sont des facteurs bien documentés dans le développement et la progression des troubles psychiatriques, pourtant notre compréhension du rôle des perturbations circadiennes est « à la traîne » ».
- En effet, l’insomnie est plus fréquente chez les personnes souffrant de troubles de santé mentale qu’en population générale – pendant les rémissions, les épisodes aigus et surtout au début de la psychose, les difficultés à s’endormir et à rester endormis touchent plus de la moitié des patients psychiatriques.
- Environ un quart à un tiers des personnes souffrant de troubles de l’humeur souffrent à la fois d’insomnie et d’hypersomnie.
Enfin, des proportions similaires de personnes atteintes de psychose souffrent de cette combinaison de troubles du sommeil.
Quelles interventions « circadiennes du sommeil »
pourraient donc bénéficier à la santé mentale des patients ?
L’étude, menée par une équipe internationale de chercheurs de l’Université de Southampton, du Kings College de Londres, de l’Université de Stanford et d’autres instituts de recherche, explore les données récentes publiées sur le sommeil et les facteurs circadiens, en se concentrant sur les adolescents et les jeunes adultes souffrant de troubles psychiatriques. L’adolescence et l’âge jeune adulte constituant les périodes à risque plus élevé de troubles de santé mentale et à plus forte incidence des perturbations du sommeil et des rythmes circadiens. L’analyse des quelques études portant sur les troubles veille-sommeil du rythme circadien suggèrent que :
- 32 % des patients atteints de trouble bipolaire s’endorment et se réveillent plus tard que d’habitude (trouble de la phase veille-sommeil retardée) ;
- les processus de l’horloge biologique (tels que les rythmes du cortisol endogène) se déroulent 7 heures en avance pendant les épisodes maniaques et 4 à 5 heures en retard pendant la phase dépressive. Un traitement réussi parvient, notamment, à normaliser ces rythmes ;
- Quels mécanismes ?
- à l’adolescence, les changements physiologiques du sommeil, les changements d’habitudes de sommeil, la variabilité dans la durée et le moment de l’endormissement peuvent conduire à un décalage entre l’horloge biologique et les rythmes veille-sommeil, ce qui entraîne des effets néfastes sur la santé mentale ;
- certaines prédispositions génétiques à un changement réduit d’activité entre les phases de repos et d’éveil, sont associées à un risque accru de dépression, d’instabilité de l’humeur et de névrosisme ;
- le temps passé à l’extérieur est associé à un risque réduit de troubles de l’humeur ;
- le sommeil, et sa qualité, jouent un rôle clé dans la façon dont le cerveau forme de nouvelles connexions neuronales et traite les souvenirs émotionnels.
Traiter les troubles psychiatriques par le sommeil ? Cibler les facteurs de risque liés au sommeil et au rythme circadien présente l’opportunité de développer de nouvelles mesures préventives et de nouvelles thérapies. Certaines d’entre elles pourraient être mises en œuvre au niveau de la population générale, en révisant les calendriers scolaires par exemple, ou en favorisant un environnement de vie suffisamment exposé à la lumière. Des interventions personnalisées adaptées aux paramètres circadiens individuels sont également à « creuser ». Parmi ces options,
- la thérapie cognitivo-comportementale contre l’insomnie a fait ses preuves contre les symptômes d’anxiété et de dépression, ainsi que le SSPT.
- la luminothérapie, administrée le matin au lever le matin s’est montrée efficace en cas dépression unipolaire et bipolaire, vs placebo ;
- la luminothérapie en association avec des médicaments s’est également révélée plus efficace que l’utilisation de médicaments seuls ;
- les chronothérapies, les horaires des repas et de pratique de l’exercice pourraient également avoir un impact sur la régulation des phases circadiennes ;
- la prise de mélatonine le soir peut aider les personnes souffrant d’un trouble de la phase veille-sommeil retardée à décaler leur horloge biologique vers un rythme de sommeil plus normalisé et peut apporter des effets bénéfiques en cas de troubles psychiatriques ;
- a contrario, le travail de nuit peut nuire à la santé mentale, cependant, dans cette situation, manger pendant la journée plutôt que pendant la nuit pourrait aider, et réduire les troubles de l’humeur ;
- l’intervention combinée pour le sommeil et le dysfonctionnement circadien « Trans-C » qui combine des conseils et des exercices dans l’objectif d’une meilleure « santé du sommeil » semble efficace contre toute une gamme de troubles de santé mentale.
Ainsi, « la recherche sur la santé mentale devra tirer parti des progrès extraordinaires de la science du sommeil et du rythme circadien et les traduire en traitements pour les troubles psychiatriques », concluent les chercheurs.
Source: Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) 19 Feb, 2024 DOI : 10.1073/pnas.2214756121 The sleep–circadian interface: A window into mental disorders The sleep-circadian interface: a window into mental disorders
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