L’eau en bouteille aussi peut contenir des centaines de milliers de microparticules de plastique jusqu’alors non détectés, révèle cette étude menée par des biologistes et des chimistes de différents instituts de recherche, dont la Columbia University (New York). En utilisant une nouvelle technique microscopique adaptée à la détection des nanoplastiques, cette équipe documente, dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS), ces nombreuses particules qui peuvent passer dans le sang, atteindre les cellules et « polluer » le cerveau.
La production mondiale de plastique approche les 400 millions de tonnes par an. Plus de 30 millions de tonnes sont déversées chaque année dans l’eau ou sur terre, et de nombreux produits fabriqués à partir de plastique, notamment les textiles synthétiques, rejettent des particules pendant leur utilisation. Contrairement à la matière organique naturelle, la plupart des plastiques ne se décomposent pas en substances relativement inoffensives ; ils se divisent et se redivisent simplement en particules de plus en plus petites de même composition chimique. Au-delà des molécules uniques, il n’y a aucune limite théorique à leur taille.
Les microplastiques sont définis comme des fragments allant de 5 millimètres (moins d’un quart de pouce) à 1 micromètre, soit 1 millionième de mètre, ou 1/25 000e de pouce. (Un cheveu humain mesure environ 70 micromètres de diamètre.) Les nanoplastiques, qui sont des particules inférieures à 1 micromètre, se mesurent en milliardièmes de mètre.
Les plastiques présents dans l’eau en bouteille sont devenus un problème de santé publique en grande partie après la publication, en 2018 d’une étude, qui détectait alors une moyenne de 325 particules par litre ; les études suivantes ont démultiplié ce nombre. Cependant, jusqu’à récemment, la détection n’allait pas en deçà de tailles d’1 micromètre.
La nouvelle technique, basée sur des lasers permet aujourd’hui de photographier des centaines de milliers de minuscules particules de plastique jusque-là invisibles, dans l’eau en bouteille. Ces observations choc remettent en question les avantages de l’eau « minérale » en bouteille vs l’eau courante, du robinet, pour la santé.
Les microplastiques constituent une préoccupation croissante, notamment e matière de pollution des eaux, mais pas seulement, dans les sols, la glace polaire ainsi que la nourriture et…l’eau potable. Ces microparticules se forment lors de la décomposition des déchets plastiques et sont malencontreusement consommées par les humains et d’autres créatures, avec des effets encore largement inconnus, sur la santé et sur l’écosystème. L’eau en bouteille qui contient des dizaines de milliers de ces fragments identifiables constituent ainsi une source non négligeable de contamination.
240.000 fragments / litre
L’étude utilise une technologie sophistiquée, la microscopie à diffusion Raman, qui permet, pour la première fois, de dénombrer et d’identifier ces minuscules particules dans l’eau en bouteille. Les chercheurs ont testé 3 marques populaires d’eau en bouteille. L’analyse constate qu’en moyenne,
- un litre d’eau en bouteille contient 240.000 fragments de plastique détectables, soit 10 à 100 fois plus que les précédentes estimations qui ne pouvaient détecter que les particules plus volumineuses. En moyenne, entre 110 000 et 370 000 particules dans chaque litre, dont 90 % étaient des nanoplastiques ; le reste était des microplastiques ;
- des plastiques spécifiques sont identifiés, dont l’un des plus courants est le polyéthylène téréphtalate ou PET ;
- plus inquiétant encore, les 7 types de plastique recherchés ne représentent que 10 % de toutes les nanoparticules identifiées, la composition des 90 % restants restant non identifiée ;
- ces nanoplastiques sont si minuscules que, contrairement aux microplastiques, ils peuvent traverser les intestins et les poumons directement dans la circulation sanguine et, de là, se rendre aux organes, notamment au cœur et au cerveau ;
- ces nanoplastiques peuvent envahir des cellules individuelles et traverser le placenta jusqu’au corps du bébé à naître.
De prochaines recherches sont déjà planifiées sur leurs effets possibles sur une grande variété de systèmes biologiques.
« Jusque-là, ce n’était qu’une zone sombre et inexplorée. Les études de toxicité ne faisaient que deviner », conclut l’un des auteurs principaux, Beizhan Yan, chimiste à l’Université Columbia. « Ces nouvelles technologues ouvrent une fenêtre sur un univers environnemental encore inconnu ».
Entre autres, l’équipe prévoit d’examiner aussi
l’eau du robinet, qui contient également des microplastiques, mais, précisent les chercheurs, beaucoup moins que l’eau en bouteille.
Source: Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) 8 Jan, 2024 DOI : 10.1073/pnas.2300582121 Rapid single-particle chemical imaging of nanoplastics by SRS microscopy
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