Cette équipe de scientifiques l’Université de Tokyo étudie, sur le poisson zèbre la formation du visage humain et de ses traits, cherchant ainsi à expliquer certaines altérations du développement. Cette recherche très expérimentale, publiée dans la revue Toxicological Sciences, révèle l’impact de certaines substances capables, en effet, d’altérer ce développement.
Le poisson zèbre est un modèle d’étude intéressant pour suivre la croissance car chez l’embryon, la tête et la queue commencent à se former après seulement 16 heures. À l’âge adulte, ils ne mesurent que 2 à 5 centimètres de long. Les embryons de poisson zèbre grandissent rapidement, sont transparents et se développent en dehors du corps des parents. Enfin, le poisson zèbre est un bon modèle pour détecter facilement les substances nocives.
L’auteur principal, Toru Kawanishi, professeur de sciences biologiques de l’Université de Tokyo explique : « Les embryons de poisson zèbre sont transparents et se développent en dehors de la mère, nous pouvons donc surveiller le comportement des cellules vivantes au fur et à mesure de leur développement ».
En modifiant génétiquement ces embryons de poisson zèbre pour que les cellules formant les os du visage émettent une fluorescence verte, les scientifiques japonais parviennent à suivre la formation de la tête. Ces travaux pointent certaines substances présentes dans les médicaments, les articles ménagers et l’environnement, déjà connues pour affecter le développement prénatal de l’enfant.
Chacun a un visage unique et il existe des différences considérables dans l’apparence des visages. Dans le monde, plus d’un tiers de toutes les anomalies congénitales sont liées au développement de la tête ou des os du visage d’un enfant, un exemple courant étant une fente labiale et/ou palatine. La cause exacte des différences cranio-faciales reste encore mal comprise, plusieurs types de facteurs, génétiques ou environnementaux pouvant être impliqués. Parmi ces facteurs, l’exposition à certains médicaments ou composés chimiques.
Les tératogènes nuisent à la migration cellulaire
L’étude :
Les tératogènes sont déjà des substances connues pour perturber la croissance d’un embryon ou d’un fœtus ; par exemple, il est conseillé aux personnes enceintes d’éviter l’alcool et la nicotine. C’est là qu’intervient le poisson zèbre. Au cours des 10 dernières années, plusieurs projets de recherche ont montré que le poisson zèbre peut être utilisé efficacement pour rechercher ces agents tératogènes. Cependant, les mécanismes exacts par lesquels les agents tératogènes altèrent ou altèrent le développement embryonnaire typique restent mal compris. L’équipe s’est concentrée sur un marqueur génétique spécifique pour un groupe de cellules impliquées dans le développement cranio-facial chez les mammifères et les poissons. Chez l’homme, on sait que ceux-ci font partie du nez et de la mâchoire.
« Nous avons manipulé le génome des embryons de poisson zèbre et rendu les cellules osseuses visibles par fluorescence en vert. Nous avons ensuite traités les embryons avec des produits chimiques connus pour provoquer des anomalies faciales chez les nouveau-nés humains, et avons suivi les trajectoires des cellules formant les os tout au long des stades embryonnaires ».
A la recherche des effets de 5 substances : la caféine et la warfarine (anticoagulant), l’acide valproïque (utilisé pour traiter les troubles neurologiques et psychiatriques), l’acide salicylique (présent dans les onguents cutanés) et le méthotrexate (utilisé en chimiothérapie) sur la croissance des embryons. Les chercheurs constatent que toutes ces substances exercent le même effet :
- ces substances altèrent la migration des cellules formant les os, ce qui induit l’apparition de malformations faciales ;
- les différentes substances entraînent différents degrés d’anomalies cranio-faciales, dès 96 heures après la fécondation ;
- le mécanisme à l’origine de ce phénomène est décrit à la fois comme rapide et surprenant : quelle que soit la manière dont chaque produit chimique agit sur les cellules au niveau moléculaire, une migration altérée des cellules formant les os au début du développement apparaît responsable de l’apparition de malformations faciales pour les cinq composés chimiques ;
- les premiers signes d’altération apparaissent en seulement 24 heures, à un moment où les embryons de poisson zèbre et de mammifères partagent des caractéristiques morphologiques et moléculaires très similaires.
Pris ensemble, ces résultats suggèrent
un mécanisme général par lequel les produits chimiques tératogènes limitent le mouvement des cellules
dès le début dans les embryons, ce qui provoque le développement de différences faciales.
Prochaine étape, identifier le mécanisme moléculaire sous-jacent à la migration cellulaire altérée, afin de comprendre pourquoi différents produits chimiques conduisent à des défauts communs dans la migration cellulaire.
A partir du poisson-zèbre, bien sûr.
Source: Toxicological Sciences 28 Sept 2023 DOI: 10.1093/toxsci/kfad078 Identification of an adverse outcome pathway (AOP) for chemical-induced craniofacial anomalies using the transgenic zebrafish model
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