C’est un nouveau type de traitement capable de « battre » le champignon, qui nous est proposé par ces biologistes et pharmacologues du RIKEN Centre for Sustainable Research Science (CSRS) et de l’Université de Toronto : la clé est d’empêcher les champignons de fabriquer des acides gras, le principal composant des graisses. Et Le blocage de la synthèse des acides gras tue les champignons dangereux. La méthode documentée dans la revue Cell Chemical Biology permet, en plus, de lutter contre les résistances. Fongiques.
Alors que la résistance aux médicaments antifongiques augmente comme la résistance aux antibiotiques, l’approche pourrait être particulièrement utile, d’autant qu’elle fonctionne contre un très large spectre de champignons. En pratique, elle pourrait offrir une nouvelle option pour traiter le pied d’athlète mais aussi d’autres infections fongiques sont plus graves causées par des types de champignons de type Candida, Cryptococcus et Aspergillus, responsables de millions de décès chaque année.
Actuellement, il existe 3 grandes classes d’antifongiques qui tous agissent en détruisant la barrière ou l’enveloppe qui entoure les cellules fongiques. Paradoxalement, même s’ils attaquent tous la barrière, ils restent très spécifiques à certaines espèces de champignons. Il existe donc un besoin de nouvel antifongique à plus large spectre et qui évite l’émergence de résistances.
L’étude a d’abord criblé une base de produits naturels pour regarder comment ils pouvaient agir contre 4 levures pathogènes, 3 espèces de Candida et 1 espèce de Cryptococcus, des espèces choisies par les scientifiques car elles sont identifiées comme des agents pathogènes humains critiques par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce criblage a permis d’identifier plusieurs composés efficaces contre la croissance fongique d’au moins 50% dans chacune des 4 espèces, et finalement l’équipe a pu sélectionner 3 nouvelles possibilités. Parmi ces produits, le moins toxique pour les cellules humaines permettait également de réduire la croissance d’Aspergillus fumigatus, une moisissure fongique extrêmement courante, mortelle pour les personnes immunodéprimées.
NPD6433, un composé presque universel : les chercheurs ont examiné dans quelle mesure NPD6433 supprime la croissance de la levure lorsqu’il manquait une copie du gène à la levure et cela pour près de 1.000 gènes différents. Ils ont découvert que la réduction d’un seul gène, la synthase d’acide gras, rend la levure plus sensible au candidat NPD6433. Ce résultat signifie que
NPD6433 agit en inhibant la synthase des acides gras
et empêche ainsi la fabrication d’acides gras à l’intérieur des cellules fongiques. D’autres expériences révèlent que le NPD6433 et la cérulénine, un autre inhibiteur de la synthase des acides gras sont bien capables de tuer de nombreuses espèces de levures en culture.
La preuve de concept chez le…ver : l’efficacité du traitement NPD6433 est également démontrée dans un organisme modèle vivant – le ver Caenorhabditis elegans – qui, infecté par une levure pathogène peut provoquer une infection systémique chez l’homme après avoir envahi les intestins. C. elegans a été choisi car il a un tractus intestinal qui fonctionne comme le nôtre. Les tests révèlent que le traitement des vers infectés avec NPD6433 réduit leur risque de décès d’environ 50 %. Y compris pour les vers infectés par des levures pharmacorésistantes.
Alors que les champignons résistants constituent un problème croissant de santé publique, cibler la synthèse des acides gras semble une stratégie thérapeutique alternative prometteuse contre un large spectre d’infections fongiques.
Source: Cell Chemical Biology 26 June, 2023 DOI: 10.1016/j.chembiol.2023.06.005 Identification of triazenyl indoles as inhibitors of fungal fatty acid biosynthesis with broad-spectrum activity
Laisser un commentaire