Les scientifiques du Salk Institute (La Jolla) découvrent que l'association de bactéries pathogènes avec une intervention alimentaire, précisément une supplémentation en fer, est de nature à créer une immunité à long terme contre la diarrhée. Ici, les modèles animaux semblent alors mieux protégés. Ces travaux, publiés dans la revue Science Advances, ouvrent une nouvelle voie pour générer une immunité durable contre les bactéries responsables, dont C. rodentium ou E. coli, et offrir ainsi une solution percutante pour lutter contre ces maladies diarrhéiques.
Dans le monde, plus d'un million de décès surviennent chaque année en raison de maladies diarrhéiques qui entraînent la déshydratation et la malnutrition. Pourtant, aucun vaccin n'existe pour combattre ou prévenir ces maladies, qui sont causées par des bactéries comme certaines souches d'E. coli. Les personnes atteintes de ces infections bactériennes ne peuvent compter que sur leur propre corps pour se défendre : tuer ces pathogènes ou les garder mais les contrôler, en particulier par l’immunité. Si le corps choisit d'altérer la bactérie, la maladie peut survenir sans diarrhée, mais l'infection peut toujours être transmise, un processus appelé portage asymptomatique.
Renforcer l’immunité, éviter le portage asymptomatique
Un nouveau type d’immunothérapie : l’équipe du Salk propose une option via l’immunité mais qui évite le portage asymptomatique : un régime alimentaire spécifique combiné avec des bactéries pathogènes qui vont permette d’induire une immunité durable. Une sorte d’immunothérapie qui pourrait favoriser l'immunité des personnes atteintes de maladies diarrhéiques mais s’appliquer éventuellement à d'autres infections.
« Nous montrons que l'immunisation contre les infections diarrhéiques est possible si nous permettons à la bactérie de conserver une partie de son comportement pathogène », précise l'auteur principal, le Dr Janelle Ayres, professeur de physiologie moléculaire et systémique. Car c’est bien « cette partie de comportement pathogène » qui permet d’éduquer l’immunité. Et cette option pourrait réduire les symptômes et la mortalité mais également protéger contre de futures infections.
Une intervention alimentaire déjà prometteuse : déjà en 2018, l’équipe avait regardé comment certaines interventions alimentaires pourraient induire une infection asymptomatique ou établir ce que les chercheurs appellent
une relation de coopération entre la bactérie et l'hôte,
cette relation faisant que l’hôte infecté ne développe aucun symptôme.
Les scientifiques avaient alors identifié qu'un régime riche en fer permettait aux souris modèles de survivre à une infection bactérienne normalement mortelle sans développer aucun signe de maladie. Le régime riche en fer permet d’augmenter le sucre non absorbé (glucose) dans les intestins dont les bactéries « se régalent ». Cet excès de sucre sert de « pot-de-vin » aux bactéries, qui suffisamment rassasiées ne songent pas à attaquer l'hôte.
Ce processus aboutit chez l’hôte à une infection à long terme mais asymptomatique,
suggérant que le système immunitaire adaptatif pourrait être impliqué.
Générer une immunité durable contre des bactéries comme C. rodentium ou E. coli : les chercheurs ont tenté de comprendre comment le corps supprime les symptômes d'infection et si une infection sans symptômes peut créer une immunité à long terme, reproductible en tant que stratégie de vaccination. L’équipe observe en effet que :
- immédiatement après l'infection, les souris nourries avec un régime riche en fer ne présentent aucun symptôme, tandis que les souris nourries avec un régime normal en développent ;
- toutes les souris ont ensuite été soumises à un régime alimentaire normal pour voir si l'infection asymptomatique durerait ; les observations confirment que si le régime riche en fer supprime les symptômes immédiatement après l'infection, le système immunitaire adaptatif reste nécessaire pour une coopération durable : ainsi seules les souris dotées d'un système immunitaire adaptatif fonctionnel présentent la maladie sans aucun symptôme, avec une immunité durable, et une survie après une réinfection et au-delà d’1 mois ;
- en d’autres termes, un régime riche en fer à lui seul peut empêcher les bactéries de créer des symptômes mortels ;
- cependant un système immunitaire adaptatif fonctionnel est nécessaire pour obtenir une immunité contre une infection future en l'absence de supplémentation alimentaire.
Certaines souches bactériennes, si suffisamment mutées, ne provoquent pas de symptômes. Pour tester si de telles bactéries pouvaient produire une immunité durable, l'équipe a répété son expérience de régime à base de fer vs régime normal chez la souris, mais cette fois en utilisant des bactéries qui pourraient causer des maladies et des bactéries qui ne pourraient pas causer de maladies : seules les souris ayant reçu des bactéries pathogènes non mutées étaient capables développer une immunité en cas de réinfection.
Ces résultats, certes préliminaires, et qui devront encore être confirmés, soutiennent ainsi qu’une thérapie qui combinerait certaines bactéries à portée pathogène contrôlée et une supplémentation en fer pourrait protéger contre les symptômes des maladies diarrhéiques, dont la déshydratation et la malnutrition.
Source: Science Advances 23 June, 2023 DOI: 10.1126/sciadv.adg8719 Cooperation between physiological defenses and immune resistance produces asymptomatic carriage of a lethal bacterial pathogen
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