On sait que les antibiotiques éradiquent une grande partie des bactéries, y compris des « bonnes » bactéries qui résident dans l’intestin et forment le microbiome intestinal. Avec des effets métaboliques néfastes, en particulier chez l’Enfant. En identifiant des composés qui réduisent les effets secondaires nocifs des antibiotiques sur les bactéries intestinales, cette équipe allemande, qui présente ses recherches, publiées dans la revue Nature, à l’occasion du Congrès 2023 de la Société européenne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses, apporte l’espoir de réduire les dommages collatéraux causés par les antibiotiques sans compromettre leur efficacité contre les bactéries nocives.
Les antibiotiques sont indispensables pour combattre les infections bactériennes, mais peuvent également nuire aux microbes utiles vivant dans l’intestin, ce qui peut avoir des conséquences durables sur la santé. Les milliards de micro-organismes présents dans l’intestin humain ont en effet un impact profond sur la santé en facilitant la digestion, en fournissant des nutriments et des métabolites et en travaillant avec le système immunitaire pour repousser les bactéries et les virus nocifs. Ainsi, les antibiotiques peuvent endommager ces communautés microbiennes, entraînant un déséquilibre pouvant entraîner des problèmes gastro-intestinaux récurrents causés par les infections à Clostridioides difficile ainsi que des problèmes de santé à long terme tels que l’obésité, les allergies, l’asthme et d’autres maladies immunologiques ou inflammatoires.
Il s’agit donc bien de pouvoir disposer, dans un futur proche de médicaments antidotes protecteurs de bonnes bactéries et qui, dans le même temps, n’interfèrent pas avec l’efficacité des antibiotiques contre les bactéries nocives.
Plusieurs composés protecteurs susceptibles de réduire les dommages collatéraux
L’étude menée par le Dr Lisa Maier et le Dr Camille V. Goemans du Laboratoire européen de biologie moléculaire d’Heidelberg a analysé les effets de 144 antibiotiques différents sur l’abondance des bactéries intestinales les plus courantes. Ses conclusions ouvrent de nouvelles perspectives de réduction des effets indésirables du traitement antibiotique sur le microbiome intestinal.
Quels antibiotiques affectent quels types d’espèces bactériennes ?
Ces effets n’avaient encore jamais été précisés. Pour en savoir plus, les chercheurs ont analysé la croissance et la survie de 27 espèces bactériennes différentes couramment présentes dans l’intestin après un traitement avec 144 antibiotiques différents. Ils ont également évalué la concentration minimale inhibitrice (CMI) d’un antibiotique, nécessaire à empêcher la croissance des bactéries et cela pour plus de 800 de ces combinaisons antibiotiques-bactéries. Cette analyse, la première du genre, révèle que :
- la majorité des bactéries intestinales ne sont impactées que par des CMI légèrement plus élevées que les bactéries pathogènes, ce qui suggère qu’aux concentrations d’antibiotiques couramment utilisées, la plupart des bactéries intestinales testées ne sont pas affectées ;
- néanmoins, 2 classes d’antibiotiques largement utilisées, les tétracyclines et les macrolides, ont non seulement empêché les bactéries saines de se développer à des concentrations bien inférieures à celles nécessaires pour arrêter la croissance des bactéries pathogènes, mais elles ont également tué plus de la moitié des espèces bactériennes intestinales qu’elles ont testées ; ces antibiotiques ont donc altéré la composition du microbiome intestinal pendant une longue période.
Des interactions très variables selon les antibiotiques : comme les médicaments interagissent très différemment avec les différentes espèces bactériennes, les chercheurs ont cherché à savoir si un deuxième médicament pouvait être utilisé pour protéger les microbes intestinaux. Ils ont combiné les antibiotiques érythromycine (un macrolide) et doxycycline (une tétracycline) avec un ensemble de 1.197 produits pharmaceutiques afin d’identifier les médicaments capables de protéger 2 espèces bactériennes intestinales abondantes (Bacteriodes vulgatus et Bacteriodes uniformis) de ces effets néfastes des antibiotiques.
Des « antidotes » prometteurs sont ainsi identifiés, dont l’anticoagulant dicumarol, le médicament contre la goutte benzbromarone et 2 anti-inflammatoires, l’acide tolfénamique et le diflunisal. De plus ces médicaments ne compromettent pas l’efficacité des antibiotiques contre les bactéries pathogènes. D’autres expériences confirment que ces médicaments antidotes protègent également les communautés bactériennes naturelles dérivées d’échantillons de selles humaines et de souris vivantes.
C’est donc une nouvelle approche, remarquable, qui combine des antibiotiques avec un antidote protecteur pour maintenir le microbiome intestinal en bonne santé et réduire les effets secondaires nocifs des antibiotiques sans compromettre leur efficacité. Si des recherches supplémentaires sont nécessaires pour identifier des combinaisons optimales et personnalisées d’antidotes et pour exclure tout effet potentiel à long terme sur le microbiome intestinal,
l’approche répond à un besoin considérable, en regard du rôle clé du microbiote, de mieux en mieux documenté, que ce soit pour la santé physique ou pour la santé mentale.
Source : ECCMID 2023 (European Congress of Clinical Microbiology & Infectious Diseases) abstract LB037 15 April, 2023 Scientists identify compounds that reduce the harmful side effects of antibiotics on gut bacteria et Nature 2021 DOI : 10.1038/s41586-021-03986-2 Unravelling the collateral damage of antibiotics on gut bacteria
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