SSPT et HTA, même traitement ? Certainement pas, cependant, un médicament contre l’hypertension artérielle (HTA) se révèle bien prometteur pour le traitement du syndrome de stress post-traumatique (SSPT), révèle cette équipe de pharmacologues de l’Augusta University (Géorgie). Ces nouvelles données, publiées dans la reviue Molecular Psychiatry, illustre le potentiel encore mal exploité des repositionnements : en effet, ici il s’agit d’un médicament contre l’hypertension vieux de 50 ans qui pourrait trouver une nouvelle indication, apaiser les effets bouleversants du SSPT.
La clonidine est couramment utilisée comme médicament contre l’HTA mais aussi pour le traitement du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Le médicament a également déjà été étudié dans le SSPT, car il agit sur les récepteurs adrénergiques du cerveau, probablement mieux connus pour leur rôle dans le comportement de « combat ou fuite », un état de réponse accru qui nous aide à rester en sécurité. Ces récepteurs activés dans le SSPT, jouent très probablement un rôle dans la consolidation d’un souvenir traumatique.
Enfin, un médicament proche de la clonidine, la guanfacine, qui active ces mêmes récepteurs, a également été étudié dans le SSPT. Cependant, les résultats contradictoires des essais cliniques ont écarté cette indication pour la guanfacine et la clonidine.
« Il est temps de réétudier cette indication pour la clonidine »,
écrivent les chercheurs, qui montrent, dans un premier temps en laboratoire, puis chez la souris, que si les 2 molécules se lient aux mêmes récepteurs, leurs mode d’action restent différents. L’auteur principal, le Dr Qin Wang, neuropharmacologue suggère que la clonidine pourrait fournir un traitement immédiat aux nombreux patients ayant développé un SSPT durant la pandémie : « Des essais cliniques à grande échelle sur la clonidine dans le SSPT sont justifiés ».
Ainsi, sur des souris génétiquement modifiées et sur des neurones provenant de cellules souches humaines, qui ont la capacité de fabriquer de nombreux types de cellules, l’examen de l’impact d’autres molécules sur l’activation d’une protéine clé appelée cofiline révèle que d’autres médicaments pourraient ainsi faire l’objet d’un repositionnement et trouver une indication secondaire dans le traitement du SSPT.
Comment se forment les souvenirs traumatiques : les chercheurs montrent in vitro, dans l’hippocampe, le centre de l’apprentissage et de la mémoire, qu’un nouvel axe sur un récepteur adrénergique appelé ɑ2A est essentiel au maintien des souvenirs de peur auxquels vous associez un lieu ou une situation -comme le site d’un accident de voiture- ou d’autres émotions pénibles caractéristiques du SSPT. Sur cet axe, la protéine spinophiline interagit avec la cofiline, connue pour contrôler les épines dendritiques des synapses des neurones, impliquées dans la consolidation et le stockage des souvenirs de peur. Un seul neurone peut avoir des centaines de ces épines qui changent de forme en fonction de l’activité cérébrale et dont le changement a un impact sur la force de la synapse, la jonction entre deux neurones où s’échangent les informations. En d’autres termes, chaque fois qu’intervient une stimulation, bonne ou mauvaise, la mémorisation passe par un processus au cours duquel les épines stockent l’information et grossissent « en forme de champignon ». Pour que ces formes de champignons se développent, les niveaux de cofiline doivent être considérablement réduits dans la synapse où résident les épines. C’est là que pourrait intervenir la clonidine.
Comment la clonidine pourrait-elle agir de manière bénéfique : la clonidine interfère avec la sortie de la cofiline en l’incitant à interagir avec le récepteur, ce qui interfère par conséquent avec la capacité de l’épine dendritique à reprendre une forme de champignon et à stocker le souvenir. La guanfacine, en revanche, n’exerce aucun effet sur la cofiline.
Ces travaux contribuent à expliquer les résultats contradictoires des essais cliniques pour ces 2 médicaments, la clonidine et la guanfacine, jusque-là considérés comme « similaires ».
In vivo : chez les souris aussi, modèles de SSPT -après avoir reçu un léger choc- puis traitées avec de la clonidine juste après un retour à l’endroit même où elles avaient reçu le choc, la réponse de peur est considérablement réduite. Mais là encore, la même expérience avec la guanfacine n’aboutit pas à ce résultat.
En conclusion, ces travaux in vitro et in vivo suggèrent avec une forte probabilité, que la clonidine pourrait être repositionnée avec succès dans le traitement du SSPT. Ces premières données appellent donc à de nouveaux essais cliniques, dans cette indication.
Source: Molecular Psychiatry Nov 2022 DOI: 10.1038/s41380-022-01851-w Activation of a novel α2AAR-spinophilin-cofilin axis determines the effect of α2 adrenergic drugs on fear memory reconsolidation
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