Cette équipe de neuroscientifiques du Scripps Institute de l’University of Florida corrèle la dépendance aux opioïdes, à l'interaction d’un gène clé PTCHD1, impliqué dans la régulation du cholestérol dans la membrane cellulaire. Décrypter le rôle de ce gène clé, documenté dans la revue Nature Neuroscience, permet de mieux comprendre le développement de la tolérance aux analgésiques au fil du temps, un processus qui mène à la dépendance et à la surdose. Enfin, cette découverte ouvre la voie à une nouvelle génération d'analgésiques conçus pour fonctionner différemment, en agissant sur le cholestétol, et qui vont permettre d'éviter ce risque de dépendance aux opioïdes, dont la morphine et le fentanyl.
Les personnes qui souffrent de douleurs intenses à la suite d'un accident vasculaire cérébral, d'un traumatisme ou d'un cancer savent qu'avec le temps, les analgésiques sur ordonnance les plus efficaces perdent de leur puissance. Le Dr Kirill Martemyanov, neuroscientifique à l’UF Scripps et son équipe ont cherché à mieux comprendre comment cette dépendance se développe, impliquant la prescription de doses de plus en plus élevées.
L’étude révèle le rôle clé du gène PTCHD1, impliqué dans la modification de la teneur en cholestérol dans la membrane cellulaire. En d’autres termes, la recherche soulève la possibilité que le cholestérol dans la membrane cellulaire puisse affecter la réponse aux opioïdes et peut-être aussi à d’autres médicaments.
Le cholestérol dans la membrane cellulaire peut affecter la réponse aux opioïdes
Des récepteurs « de médicaments » : des centaines de récepteurs agissent comme des sites de liaison pour les médicaments et les molécules biologiques à la surface des cellules. Ainsi, tels des « receveurs », les récepteurs opioïdes mu capturent spécifiquement la morphine ou les molécules apparentées. « A réception », les systèmes cellulaires impliqués dans le soulagement de la douleur, le ralentissement de la respiration et même la régulation de la digestion se mettent en action. Environ un tiers de tous les médicaments agissent sur ces sites receveurs, nommés « GPCR », pour G-protein coupled receptors, ce qui les rend d'un grand intérêt pour les scientifiques.
Il existe ainsi plus de 800 récepteurs de ce type, et comprendre comment ces gènes interviennent dans la régulation du cholestérol et comment le cholestérol peut favoriser la tolérance, peut permettre une avancée dans le développement d’une nouvelle classe d'analgésiques moins « addictifs ».
L'étude : en travaillant sur le ver C. elegans et en ajoutant au génome des vers le récepteur opioïde mu de mammifère, afin de rendre les vers sensibles aux analgésiques, les chercheurs constatent que :
- traiter les vers dotés de récepteurs opioïdes mu de mammifère, avec du fentanyl et de la morphine, les paralyse dans un premier temps ;
- cet effet diminue avec une exposition répétée ;
- les vers finissent par développer une tolérance ;
- à l’aide de nombreux essais de modifications génétiques pour faire taire différents gènes, un gène codant pour une protéine membranaire se démarque, impliquer dans la tolérance/dépendance, et sa version « mammifère » la plus proche est PTCHD1 ;
- les données scientifiques indiquent que chez l’Homme, ce gène est impliqué dans des conditions neuropsychiatriques ; par ailleurs, PTCHD1 appartient à une famille de gènes connus pour être impliqués dans la régulation de l'accumulation de cholestérol dans les membranes cellulaires ;
- des souris conçues pour ne pas avoir PTCHD1 ne développent aucune tolérance après exposition répétée aux opioïdes, mais développent également extrêmement peu de symptômes de sevrage à l’arrêt du traitement.
Quel rôle du cholestérol dans la tolérance/dépendance aux opioïdes ? Les chercheurs montrent que la surexpression de PTCHD1 réduit significativement la teneur en cholestérol des membranes cellulaires.
Alors l'enrichissement en cholestérol de la membrane cellulaire pourrait-il être une stratégie pour réduire la dépendance aux opioïdes ?
- Des souris traitées avec la simvastatine, un hypocholestérolémiant couramment prescrit qui augmente également la lipoprotéine de haute densité, ou HDL, présentent en effet une absence de dépendance après expositions répétées aux opioïdes.
Pris ensemble, ces résultats suggèrent donc que le cholestérol affecte les récepteurs cellulaires soit en se liant directement à eux, soit en contrôlant indirectement les activités cellulaires en aval, et ce faisant, affecte le processus de dépendance aux opioïdes, mais probablement à d’autres médicaments.
Source: Nature Neuroscience 18 Aug, 2022 DOI : 10.1038/s41593-022-01135-0 UF Scripps study: Opioid drug tolerance develops from interplay of key gene and cholesterol
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