Aller au cœur des maladies cardiaques congénitales, c’est l’objectif de cette équipe de cardiologues et de pédiatres des Gladstone Institutes (San Francisco), un organisme de recherche à but non lucratif spécialisé dans les maladies cardiovasculaires. L’équipe présente, dans la revue Cell, une stratégie de criblage de données génétiques à grande échelle, couplée à un algorithme qui permet d’avancer dans la compréhension des troubles cardiaques congénitaux. Cette nouvelle stratégie qui identifie des interactions génétiques plutôt que des variantes isolées, marque une étape, non seulement dans la compréhension des cardiopathies congénitales, mais plus largement dans celle de nombreuses maladies génétiques complexes.
Menée par le Dr Bárbara González Terán, l’équipe a développé une nouvelle technique permettant d’identifier, précisément, les variantes génétiques susceptibles de jouer un rôle clé dans les cardiopathies congénitales. Ce faisant, ces experts ouvrent de nouvelles pistes de recherche sur ces pathologies mortelles. Ainsi, près de 1% des enfants naissent avec une cardiopathie congénitale et pour la plupart des enfants, les causes précises restent inconnues.
Les coupables, des variantes génétiques ou leurs interactions ?
La première piste suivie est en effet celle de variantes génétiques de gènes impliqués dans la formation du cœur in utero. Cependant, on ignore quels gènes précis contribuent aux cardiopathies congénitales et comment ces gènes interagissent les uns avec les autres. L’équipe du Gladstone franchit une étape avec cette nouvelle technique qui permet d’identifier les variants susceptibles d’interagir et les interactions impliquées dans ces cardiopathies.
La nouvelle stratégie combine des techniques de génétique, de biologie computationnelle, de biologie cellulaire et de protéomique. Ses auteurs imaginent déjà son application à l’étude de nombreuses autres maladies aux causes génétiques complexes. L’approche identifie les variantes les plus susceptibles d’être impliquées, permet ainsi aux scientifiques de se concentrer un nombre plus limité de gènes et d’approfondir les mécanismes biologiques sous-jacents.
La stratégie se concentre sur les interactions entre les protéines plutôt que d’examiner les variantes de manière isolée. Par exemple, partant des protéines GATA4 et TBX5 déjà connues pour être nécessaires à la formation d’un cœur humain sain et pour collaborer avec un réseau de protéines supplémentaires, les scientifiques vont rechercher des mutations dans les autres protéines du réseau qui pourraient, en théorie, contribuer à la malformation cardiaque. Les chercheurs commencent par cartographier l’ensemble du réseau d’interactions entre les protéines GATA4 et TBX5 en utilisant des cellules cardiaques précurseurs cultivées à partir de cellules souches pluripotentes induites humaines. Puis ils croisent l’ensemble des 273 protéines identifiées dans ce réseau avec les données de séquençage de l’ADN de plus de 3.000 enfants atteints de cardiopathie congénitale et de leurs parents. L’équipe identifie ainsi :
- plusieurs dizaines de variantes dans les données de séquençage des enfants correspondant à des protéines spécifiques également trouvées dans le réseau GATA4-TBX5 : ces protéines sont donc des candidats susceptibles de contribuer aux cardiopathies congénitales ;
- une variante de premier plan est ensuite identifiée grâce à un algorithme qui classe les candidats en fonction de leur probabilité de contribuer à une cardiopathie congénitale. Cet algorithme de classement prend en compte les caractéristiques de la variante, le gène affecté et le type de malformation cardiaque trouvé chez les patients porteurs de la variante ;
- enfin, parmi les variantes identifiées les mieux classées, figurent des gènes jusque-là inconnus pour cette leur contribution aux malformations cardiaques congénitales. C’est le cas notamment de la protéine GLYR1, impliquée dans l’activation et la désactivation d’autres gènes.
- GLYR1 joue en effet un rôle central dans la formation du cœur, et l’une de ses variantes perturbe le développement du cœur en entravant son interaction avec GATA4.
Au-delà de cette toute nouvelle compréhension, ces travaux apportent un nouvel outil pour étudier les maladies complexes basé sur l’étude de combinaisons de variantes, plutôt que de variantes uniques.
« Cette maladie, comme d’autres, est rarement causée par un seul gène ; un patient avec la variante GLYR1, par exemple, pourrait peut-être avoir des variantes supplémentaires héritées de ses parents qui, à elles seules, ne sont pas suffisantes pour provoquer la maladie, mais le sont en combinaison avec la variante GLYR1 ».
Enfin, la méthode pourra également être adaptée à l’identification de combinaisons de variantes qui sous-tendent d’autres maladies complexes.
Source: Cell Feb 18, 2022 DOI: 10.1016/j.cell.2022.01.021 Transcription factor protein interactomes reveal genetic determinants in heart disease
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