Cette étude est en ligne avec de précédentes recherches et sa conclusion est peu surprenante : la solitude accentue le déclin cognitif et accroît le risque de démence. Cependant, dans ce contexte pandémique, qui a voué pendant plus de 2 ans de nombreuses personnes, notamment les plus âgées, à l’isolement et à la solitude, ces données, publiées dans la revue Neurology, prennent une dimension toute particulière. Quelles seront en effet à terme, sur la prévalence des démences, les conséquences de la pandémie COVID-19 ?
L’équipe de la NYU Langone Health rappelle que la prévalence de l’isolement social augmente chez les personnes âgées, et qu’en raison non seulement du vieillissement des populations mais aussi du lien notable entre la solitude et le risque de démence, la prévalence des démences pourrait donc croître simultanément et rapidement. Avec cette étude, l’équipe newyorkaise prévoit une multiplication par 3 du risque de démence ultérieure chez les personnes seules de moins de 80 ans qui, sans solitude, auraient présenté un risque relativement faible de déclin cognitif. Depuis le début de la pandémie, soulignent les auteurs, américains, la solitude a touché environ 46 millions d’Américains, et ce sentiment de solitude est retrouvé plus fortement chez les adultes âgés de 60 ans et plus.
La solitude est également associée à une fonction exécutive plus faible,
c’est la seconde conclusion de l’étude qui révèle ainsi comment la solitude peut conduire à la perte d’autonomie. « Cette étude met l’accent sur l’impact élevé de la solitude et de l’insuffisance de connexion sociale sur le risque de démence au cours du vieillissement », relève l’auteur principal, le Dr Joel Salinas, professeur de neurologie à la NYU Grossman School of Medicine.
« Reconnaître les signes de solitude en soi et chez les autres,
établir et entretenir des relations sociales et de soutien, tout cela est important pour tout le monde. En particulier, lorsque nous vieillissons, cette connexion sociale augmente les chances de retarder ou peut-être même d’empêcher le déclin cognitif ».
L’étude a analysé les données rétrospectives de 2.308 participants à l’étude Framingham, exempts de démence à l’inclusion et âgés en moyenne de 73 ans. Ces participants ont été évalués sur le plan neuropsychologique, ont passé une IRM cérébrale et ont renseigné la fréquence du sentiment de solitude et d’autres symptômes dépressifs, comme des troubles du sommeil ou un manque d’appétit. Les participants ont également été évalués pour les facteurs de risque génétique de la maladie d’Alzheimer (notamment allèle APOE ε4). Les participants ont été suivis sur 10 ans.
- 144 des 2.308 participants ont déclaré se sentir seuls 3 jours ou plus au cours de la semaine précédente ;
- au cours du suivi, 329 des 2.308 participants ont été diagnostiqués avec la maladie :
- parmi les 144 participants « solitaires », 31 ont développé une démence ;
- les participants plus jeunes âgés de 60 à 79 ans mais solitaires apparaissent plus de 2 fois plus susceptibles de développer une démence ;
- la solitude était associée à un risque multiplié par 3 de démence chez les participants plus jeunes non porteurs de l’allèle APOE ε4 ;
- ce triplement du risque est ici analysé comme le résultat d’associations entre la solitude et des marqueurs cognitifs et neuroanatomiques précoces de la maladie d’Alzheimer ;
- de plus, la solitude est liée à une fonction exécutive plus faible, à un volume cérébral total plus faible et à une plus grande lésion de la substance blanche, qui sont également des indicateurs de vulnérabilité au déclin cognitif.
« Heureusement, la solitude peut être « guérie ».
Et bien que nous ayons besoin aujourd’hui d’être créatifs pour trouver de nouvelles façons de nous connecter, il y a de fortes chances que même le plus petit geste vers l’autre en vaille la peine ».
Source: Neurology 7 Feb, 2022 DOI: 10.1212/WNL.0000000000200039 Association of Loneliness With 10-Year Dementia Risk and Early Markers of Vulnerability for Neurocognitive Decline
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