Cette étude de chercheurs de l’Université Johns Hopkins (Baltimore) apporte une vraie révélation dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge et pour sa forme humide la plus agressive : jusqu'à 30 % des patients atteints de DMLA humide pourraient, en fait, arrêter les injections oculaires en toute sécurité au bout de la première année. Ces travaux publiés dans le Journal of Clinical Investigation expliquent pour quelles raisons bien sûr, et dans le même temps laissent espérer le développement proche d’un test simple qui pourrait un jour identifier les patients pouvant arrêter la thérapie en toute sécurité.
La DMLA est la principale cause de cécité irréversible chez les personnes âgées. La majorité des personnes qui perdent la vision à cause de la maladie ont la forme «humide», caractérisée par la croissance anormale de vaisseaux sanguins qui laissent échapper des fluides nocifs dans les tissus de l'œil sensibles à la lumière.
L’injection intravitréenne d'agents anti-facteur de croissance de l'endothélium vasculaire (anti-VEGF) bloque l’angiogenèse anormale dans l'œil et contribue ainsi à prévenir la perte de vision. Cette thérapie a révolutionné le traitement de cette forme agressive de DMLA. Cependant,
- jusqu'à un quart des patients traités par anti-VEGF ne répondent pas au traitement
- et, une bonne partie des patients qui répondent deviennent résistants.
Par ailleurs, ces injections mensuelles ou bimensuelles d’anti-VEGF dans l'œil sont inconfortables, nécessitent de se rendre régulièrement au cabinet du médecin ou à la clinique et ces contraintes restent un obstacle à l’observance des patients. Des équipes travaillent d’ailleurs à des alternatives, dont à de nouvelles formes de thérapies géniques.
Les patients « sevrés » font mieux que les patients toujours traités
Cette étude préliminaire portant sur 106 patients atteints de DMLA humide. Chaque patient avait suivi un programme d'injection anti-VEGF personnalisé pour lequel les chercheurs cliniciens surveillaient la réponse au traitement et déterminaient si les patients avaient besoin d'une autre injection à chaque visite ou s'ils pouvaient espacer un peu les injections. Les yeux ne recevant pas de traitement et ne présentant aucun signe d'accumulation de liquide ou de perte de vision avancée après au moins 30 semaines de surveillance ont été considérés comme « sevrés » en toute sécurité du traitement anti-VEGF. L’expérience montre que :
- au bout d'un an, jusqu'à un tiers des patients avaient arrêté les traitements anti-VEGF dans au moins un œil ;
- cela représentait 31 % des yeux traités chez ces 106 participants ;
- un pourcentage plus faible d'yeux nécessitait encore des injections mensuelles, ce qui concernait 17% des patients ;
- l'autre moitié des patients nécessitait un traitement toutes les 6 à 12 semaines ;
- quelques-uns de ces patients nécessitant un traitement plus espacé, toutes les 6 à 12 semaines, ont également été finalement sevrés à la fin de la deuxième année de traitement ;
- les patients qui ont arrêté les traitements anti-VEGF dans au moins un œil présentent les meilleurs résultats, avec une vision plus fine que celle des patients toujours traités.
Dans l'ensemble, les patients qui peuvent faire une pause thérapeutique font mieux que les patients toujours traités, alors même s'ils ne reçoivent plus aucun anti-VEGF. Ces patients sevrés ont une meilleure acuité visuelle, une vision plus performante et moins de liquide autour de la rétine.
Comment distinguer les patients qui peuvent arrêter le traitement ? Des prélèvements de liquide oculaire chez ces participants atteints de DMLA humide et traités par anti-VEGF ont permis d’identifier les biomarqueurs qui peuvent aider à prédire quels patients peuvent être sevrés du traitement en toute sécurité et dans le délai d’une année. Dans ces fluides, les chercheurs ont trouvé des différences dans les quantités de 172 protéines entre les patients pouvant arrêter vs ceux qui avaient toujours besoin d'un traitement mensuel.
- Afin d’apporter une preuve de ce concept de biomarqueur, les chercheurs ont choisi l'une des 172 protéines, l'apolipoprotéine B100, une protéine déjà documentée comme partie importante du drusen, le matériau qui s'accumule sous la rétine chez tous les patients atteints de DMLA. Les chercheurs constatent que l'apolipoprotéine B100 est présente à des niveaux beaucoup plus élevés dans les yeux des patients sevrés. Plus largement d’ailleurs, les niveaux de cette protéine sont plus élevés chez les patients qui n'ont pas développé de DMLA humide du tout. Ainsi, les chercheurs ont émis l'hypothèse que cette protéine pourrait contribuer à protéger les patients contre le développement de la DMLA humide.
- Des expériences menées chez la souris montrent également que des souris génétiquement modifiées avec des niveaux élevés d'apolipoprotéine B100 présentent moins de croissance anormale des vaisseaux sanguins dans la rétine que les souris avec des niveaux inférieurs de cette protéine, ce qui suggère que la protéine induit bien un effet protecteur contre le trouble rétinien.
- Enfin, des protéines spécifiques sont produites à différents niveaux dans les yeux de ceux qui ont arrêté le traitement, constituant ainsi une signature qui pourrait être la base d'un test permettant d’identifier avec précision les patients pouvant arrêter le traitement.
Pris ensemble ces résultats, s’ils ne permettent pas de fixer aujourd'hui un calendrier standard d’administration du traitement ou de prédire précisément quels patients peuvent arrêter les injections, ajoutent aux preuves croissantes que de nombreuses personnes atteintes de DMLA humide pourraient ne pas avoir besoin de ces injections mensuelles à vie.
C’est donc un grand espoir pour les personnes atteintes de DMLA. Ces données ont déjà motivé des essais cliniques randomisés sur un plus grand groupe de patients atteints de DMLA humide afin de pouvoir préciser les recommandations de planification et de suspension des thérapies anti-VEGF en fonction des résultats -et biomarqueurs- de chaque patient.
Source: Journal of Clinical Investigation Dec, 2021 DOI: 10.1172/JCI144469 Aqueous proteins help predict the response of neovascular age-related macular degeneration patients to anti-VEGF therapy
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