Cette équipe de recherche de l'Université de Pennsylvanie identifie, avec ces travaux, une toute nouvelle façon dont le cerveau signale la satiété après avoir mangé. Ces données, publiées dans la revue Nature, désignent une toute nouvelle cible pour des thérapies visant à réduire la suralimentation, un sous-ensemble de neurones cérébelleux (situés dans le cervelet), fortement impliqué dans la signalisation de la satiété.
L’auteur principal, le Dr J. Nicholas Betley a eu l’idée de mener sa recherche auprès de patients atteints du syndrome de Prader Willi, une maladie génétique, caractérisée entre autres signes et symptômes, par un appétit insatiable. Ainsi, ces patients ont toujours faim, même après un repas copieux et ont donc tendance à se suralimenter, ce qui les mène à l’obésité.
Un petit groupe de neurones déterminant pour la faim et la satiété
Cette étude multisite décrypte pour la première fois le mécanisme sous-jacent à cette faim permanente et identifie la responsabilité d’une signalisation désordonnée dans le cervelet du cerveau, une zone impliquée également dans le contrôle moteur et l'apprentissage. Après avoir recherché des signes spécifiques concernant cette faim permanente chez les patients atteints du syndrome de Prader Willi, les scientifiques ont poursuivi leur recherche chez la souris et pu identifier un sous-ensemble de neurones cérébelleux responsable de la signalisation de la satiété après avoir mangé.
- Lorsque les chercheurs activent ce groupe de neurones, l'ampleur de l'effet est décrite comme « énorme » : les animaux mangent aussi souvent que des souris « normales » mais chacun de leurs repas est réduit de 50 à 75 %.
« C'était époustouflant »,
écrivent les chercheurs dans un communiqué, qui ont donc mené de nombreuses autres expériences pour valider cet effet. Ce qui est époustouflant est en effet d’avoir identifié une zone du cerveau dont l’une des fonctions, essentielle pour la survie, restait encore inconnue.
Le cervelet, un nouveau rôle dans la faim identifié : précisément, il s’agit ici dans cette zone, d’un groupe de neurones, dits « des noyaux cérébelleux profonds antérieurs » (aDCN : anterior deep cerebellar nuclei) et ces neurones spécifiques contribuent à réguler la prise alimentaire. Les circuits neuronaux jusque-là documentés comme liés à la façon dont le cerveau régule la prise alimentaire impliquaient des zones du cerveau postérieur et de l'hypothalamus, mais pas le cervelet précisément. Le cervelet étant néanmoins situé à l’arrière du cerveau, les scientifiques ont eu l’idée de regarder s’il pouvait jouer un rôle dans la suppression de la faim.
- L’analyse d’un ensemble de données d’IRM fonctionnelles (qui cartographient le flux sanguin dans le cerveau) de ces patients atteints du syndrome de Prader Willi confirme également l’implication possible du cervelet ;
- chez les souris, l'analyse transcriptomique unicellulaire confirme qu'un petit sous-ensemble de neurones glutamatergiques dans l'aDCN est activé lors de l'alimentation. Or, l'activation de ces seuls neurones aDCN conduit les animaux à restreindre considérablement la taille de leur repas, qu'ils aient jeûné ou déjà mangé auparavant. Et l’inhibition de ces mêmes neurones entraîne des prises alimentaires plus importantes chez les souris.
Les chercheurs voulaient, cependant, comprendre le rôle précis de ces neurones. Freinent-ils seulement la suralimentation ou contribuent-ils à réguler la prise alimentaire, en « plus » ou en « moins » en fonction d'autres facteurs ? Lorsque des souris avec ces neurones aDCN activés reçoivent un aliment moins dense en calories, alors, elles augmentent leur apport alimentaire. Ainsi, ce groupe de neurones spécifiques dans le cervelet calcule et
adapte le nombre de calories et arrête l’alimentation, quand « c’est assez ».
Ce petit groupe de neurones qui vient d'être identifié joue donc un rôle clé dans la régulation de la faim et de la satiété. Une découverte qui suggère une toute nouvelle cible, dans le cervelet et plusieurs thérapies à la clé, permettant de la stimuler.
Source: Nature 17-Nov-2021 DOI:10.1038/s41586-021-04143-5 Reverse-translational identification of a cerebellar satiation network
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