Ces scientifiques et pharmacologues de l’Université de Copenhague et de l'Université d'Aalborg (Danemark) décryptent le principe d’un « cheval de Troie » capable de faire passer un médicament à travers la redoutable barrière hémato-encéphalique qui protège notre cerveau de toute substance étrangère.
Leur nouvelle plateforme permet d’observer le long voyage de nanoparticules du sang au cerveau et d’identifier les meilleures conditions possibles pour une délivrance du principe actif au cerveau. Cette nouvelle compréhension va permettre d’améliorer considérablement les options de traitement pour de nombreuses maladies neurologiques, dont la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la maladie d'Alzheimer et l'épilepsie, très difficiles à traiter, en partie en raison de la barrière hémato-encéphalique. Ces travaux, publiés dans la revue Nature Communications, apportent également une première preuve, chez la souris, de la capacité de ces nanoparticules à tromper les parois imperméables de la barrière hémato-encéphalique pour permettre l'administration de médicaments au cerveau.
La barrière hémato-encéphalique fonctionne comme une paroi frontière entre le sang et le cerveau, permettant seulement à certaines molécules d'entrer dans le cerveau. Si l'eau et l'oxygène peuvent passer, tout comme d'autres substances telles que l'alcool et le café, la barrière hémato-encéphalique empêche plus de 99% des composés, y compris neuroprotecteurs, d'atteindre leurs cibles dans le cerveau. L’étude menée sur la souris montre que ces nanoparticules de liposomes franchissent la barrière hémato-encéphalique et parviennent au cerveau.
La barrière hémato-encéphalique, une « boîte noire ».
L’étude décrypte le cheminement de ces liposomes et le mécanisme de protection de la barrière hémato-encéphalique dans le cerveau vivant, et contribue à expliquer pourquoi certaines nanoparticules passent le cap et d'autres pas. Certains scientifiques doutaient même que l'entrée des nanoparticules dans le cerveau soit possible. L’étude apporte une preuve directe de l'entrée des nanoparticules dans le cerveau, ajoute son auteur principal, le professeur adjoint Krzysztof Kucharz du département des neurosciences de l'Université d'Aalborg.
Les chercheurs utilisent ici une technique de microscopie à deux photons pour comprendre comment les nanoparticules de médicaments traversent la barrière hémato-encéphalique dans un organisme vivant. Ils observent l'entrée des nanoparticules dans le cerveau à chaque étape du processus, apportant ainsi de nouvelles connaissances précieuses pour la conception de médicaments. Ils identifient les segments vasculaires les plus efficaces à cibler avec ces nanoparticules pour optimiser leur entrée dans le cerveau. Enfin, ils s’avèrent capables de suivre le trajet d’une seule nanoparticule jusqu’au cerveau. Ces observations révèlent pour la première fois que :
- les nanoparticules ciblées sur le cerveau sont captées dans les capillaires et les veinules par les cellules endothéliales, les cellules de la barrière hémato-encéphalique qui permettent ou rejettent l'accès des molécules au tissu cérébral ;
- les différents vaisseaux cérébraux gèrent les nanoparticules différemment, permettant ou rejetant l'accès des nanoparticules au tissu cérébral en fonction du type de vaisseau ;
- en effet, les nanoparticules peuvent pénétrer dans le cerveau principalement au niveau des gros vaisseaux, c'est-à-dire des veinules, qui sont entourés d'un espace dit périvasculaire, et non, comme on le croyait auparavant, par les petits capillaires. L'espace périvasculaire qui entoure les veinules facilite la sortie des nanoparticules de l'endothélium et leur progression vers le cerveau ;
- les nanoparticules, telles un cheval de Troie, sont reconnues par l'endothélium et transportées à travers la barrière hémato-encéphalique jusqu'au cerveau ;
- elles comportent un espace de chargement qui peut être alimenté avec différents médicaments neuroprotecteurs pour traiter de nombreuses maladies neurodégénératives.
L’approche des liposomes, actuellement testée dans de nombreux essais cliniques et précliniques, va révolutionner le traitement du cancer du cerveau, des accidents vasculaires cérébraux (AVC), de la maladie d'Alzheimer et de la maladie de Parkinson. Il reste encore à améliorer la capacité de transport et de délivrance au cerveau de ces minuscules véhicules pour atteindre une meilleure signification clinique.
Pour optimiser encore ces vecteurs, il est nécessaire d’avoir une parfaite compréhension de l’interaction de ces nanoparticules avec la barrière hémato-encéphalique, commentent les auteurs. Leur technique va permettre d’observer comment chaque type de nanoparticules circule dans la circulation sanguine, comment elles s'associent à l'endothélium, combien sont absorbées par l'endothélium, combien sont laissées pour compte, ce qui leur arrive une fois à l'intérieur de la barrière hémato-encéphalique et combien parviennent au cerveau.
Enfin, un point important consiste à cibler de préférence les veinules, plutôt que les capillaires, pour une administration efficace des nanoparticules de médicaments au cerveau.
Source: Nature Communications 05 July 2021 DOI : 10.1038/s41467-021-24323-1 Post-capillary venules are the key locus for transcytosis-mediated brain delivery of therapeutic nanoparticles
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