La dépression est aujourd’hui bien connue comme l’un des principaux obstacles au sevrage de substances addictives. Cette étude du Wyss Center for Bio and Neuroengineering permet de mieux comprendre le processus biologique du sevrage de la cocaïne et comment il affecte les circuits cérébraux. L’objectif de l’équipe suisse, permettre aux patients dépendants de mieux gérer cette période critique. Ces travaux, publiés dans la revue Frontiers in Synaptic Neuroscience, identifient en effet une connexion surprenante entre 2 zones, l’une associée à la dépression et l’autre à un système « anti-récompense ».
La cocaïne est une substance addictive qui, à long terme, peut avoir des effets néfastes sur la santé et le bien-être. 18 millions de personnes prennent de la cocaïne dans le monde. Comprendre comment la cocaïne modifie les réseaux cérébraux pourrait permettre d’identifier de nouvelles cibles pour traiter la dépendance et d'autres troubles neuropsychologiques.
Une réorganisation des circuits cérébraux mène à ce comportement dépressif
Lorsque nous recevons une récompense, les neurones se déclenchent dans la zone tegmentale ventrale (VTA) du cerveau, une zone qui produit de la dopamine. La dopamine est un messager chimique qui induit des sentiments de joie ou de plaisir. En se propageant dans tout le cerveau, la dopamine nous motive à répéter nos actions et à retrouver le sentiment de plaisir, ce qui au fil du temps entraîne un comportement addictif. Lorsque nous sommes privés d'une récompense ou cessons de prendre un médicament qui crée une dépendance, l'habénule latérale – une zone cérébrale liée à la dépression – devient hyperactive et envoie des signaux à la zone VTA, ce qui se traduit par des symptômes dépressifs.
De nouvelles connexions entre 2 zones « négatives » du cerveau : grâce à une série d'expériences menées chez la souris, l’équipe observe, pour la première fois, que les neurones de l'habénula se connectent principalement aux neurones de la VTA qui ne produisent pas de dopamine et constituent ainsi un système anti-récompense. Ces observations ont été rendues possibles par une technique de microscopie avancée permettant de capturer des images 3D de cerveaux de souris entiers et intacts. Des « étiquettes » virales ont permis de marquer les neurones par fluorescence. Ces outils d'analyse et de visualisation ont permis aux scientifiques d’identifier et de suivre la morphologie 3D de neurones spécifiques pour comprendre leur distribution anatomique à l'intérieur du cerveau. Le chercheur Stephane Pages, coordinateur Scientifique du Centre Wyss ajoute: « La beauté de cette technique est de pouvoir voir quels neurones se connectent les uns aux autres dans le cerveau. Nos capacités de microscopie et d'analyse de données nous ont permis d’identifier les connexions neuronales spécifiques entre les deux principales zones cérébrales impliquées dans le sevrage ».
« Nous savions que le sevrage de la cocaïne induit des modifications des circuits cérébraux liés à la dépression et de la récompense, mais nos travaux décryptent toute une réorganisation des circuits cérébraux qui mène à ce comportement dépressif ». Ces travaux montrent également que les neurones des circuits anti-récompense se projettent non seulement vers le VTA, mais aussi à partir de là vers d'autres parties du cerveau, ce qui entraîne une cascade d'informations « anti-récompense » dans les zones responsables de la prise de décision et de la motivation, notamment.
La prochaine étape va préciser la fonctionnalité de ces circuits anti-récompense, pour mieux comprendre comment ils influencent le comportement et pouvoir développer de nouveaux traitements d’aide au sevrage.
Source: Frontiers in Synaptic Neuroscience 31 March 2021 DOI : 10.3389/fnsyn.2021.643138 Output-Specific Adaptation of Habenula-Midbrain Excitatory Synapses During Cocaine Withdrawal
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