Cette équipe de l'Université de l'Indiana suggère que l'évolution nous a apporté à tous un certain niveau de vulnérabilité au diabète de type 2. Comment ? Après l'occurrence de mutations qui altèrent sa fonction et/ou stressent les cellules bêta, l'hormone insuline se retrouverait face à « un cul-de-sac évolutif », notre organisme n’ayant plus qu’une capacité très limitée de s'adapter, au surpoids notamment. Ces travaux, présentés dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine, révèlent et décrivent cette altération « évolutive » de la biosynthèse et de la fonction de l’hormone insuline, suggérant qu'elle pourrait être présente, à différents degrés, chez l'ensemble des patients diabétiques.
La recherche menée avec des collègues de l'Université du Michigan et de la Case Western Reserve University (Cleveland) part de rares mutations dans le gène de l'insuline, identifiées chez certains patients, et qui entraînent le développement du diabète dans l'enfance. A partir de ce constat, l’étude documente un lien, plus largement distribué, entre la chimie de la protéine et la pathologie diabétique « évolutionniste ».
Le diabète de type 2, une maladie pandémique de civilisation?
L'insuline est produite par une série de processus très spécifiques qui se déroulent dans des cellules spécialisées, appelées cellules bêta. Une étape clé est le pliage d'un précurseur biosynthétique, appelé proinsuline, qui permet d’aboutir à la structure tridimensionnelle fonctionnelle de l'hormone insuline. De précédentes études de la même équipe ont déjà suggéré que cette biosynthèse altérée pouvait être le résultat de différentes mutations qui entravent la « pliabilité » normale de la proinsuline.
L'hypothèse émise ici est que l’évolution de l'insuline chez les vertébrés dont les humains, aurait rencontré plusieurs obstacles qui auraient favorisé cette « non-pliabilité ». Alors que les processus biologiques évoluent habituellement pour être plus protecteurs, explique l’auteur principal, le Dr Michael Weiss, professeur émérite à l'IU School of Medicine, « le diabète semble faire exception » : ainsi,
une mutation subtile de l'insuline humaine exclue de ce processus protecteur de l'évolution semble bloquer sélectivement le repliement de la proinsuline. Cette petite variation du processus de séquençage de l'insuline altère non seulement le repliement de l'insuline (et éventuellement la sécrétion d'insuline), mais induit également un stress cellulaire qui entraîne un dysfonctionnement des cellules bêta et éventuellement des dommages permanents.
Le pliage de la protéine apparaît -une nouvelle fois- comme un facteur critique -mais dans ce cas, dissimulé de l'évolution. Et cette vulnérabilité qui sous-tend au départ une forme monogénique rare de diabète, éclaire également et plus largement le contexte évolutif de la pandémie actuelle de diabète liée à l'obésité. En démêlant les éléments clés de la biologie structurale de l'insuline qui affectent sa synthèse et sa fonction, en identifiant les mutations qui altèrent la fonction de l'insuline ou stressent les cellules bêta, ces travaux éclairent ainsi la pathogenèse générale et « évolutive » du diabète de type 2. Ces résultats ouvrent une question majeure pour l'avenir, écrivent les chercheurs :
« ce mauvais pliage de la proinsuline est-il présent dans l’ensemble de la population de patients diabétiques de type dans le monde ? ».
L’équipe poursuit ses recherches sur les processus moléculaires précis qui permettent un pliage normal de la proinsuline dans les cellules bêta. L’objectif est de parvenir à développer une nouvelle génération de médicaments qui atténuent le stress cellulaire causé par la repliabilité nocive de la proinsuline et protègent la production d'insuline chez les patients à risque élevé.
Source: PNAS November 5, 2020 DOI : 10.1073/pnas.2010908117 Evolution of insulin at the edge of foldability and its medical implications
Plus sur Diabète Blog
Laisser un commentaire