Chaque jour l’épidémie COVID-19 se propage différemment, le virus évolue et les mesures mises en œuvre pour le contrer également. Les données épidémiologiques et cliniques évoluent donc et de nombreuses équipes de recherche travaillent à les réactualiser sans cesse, de manière à pouvoir comprendre, gérer, prévoir. C’est le cas de cette équipe de l’Université de Lausanne qui précise, sur la base des dernières données épidémiologiques, l’estimation du taux de létalité de COVID-19, l’épidémie de pneumonie associée au nouveau coronavirus SRAS-Cov-2. Mais avec une correction d’importance : ces estimations, publiées dans le Lancet Infectious Diseases, prennent en compte pour la première fois, dans ce calcul du taux de létalité, le délai d’incubation du virus.
La nouvelle épidémie COVID-19 poursuit maintenant sa propagation principalement en Europe et « plafonne » en Chine, avec un total de 160.000 cas confirmés dans le monde (dont toujours 80.000 en Chine) et 6.000 décès.
Une équation à plusieurs inconnues
L’estimation est effectuée en date du 1er mars 2020, date à laquelle l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) rapporte 79.968 cas confirmés en Chine et 7.169 en dehors de Chine.
- Parmi les patients chinois, 2.873 décès liés à dus à COVID-19 ont été recensés, ce qui équivaut à un taux de mortalité de 3,6% ;
- Parmi les cas confirmés hors de Chine, 104 décès liés à COVID-19 ont été recensés, ce qui indique un taux de mortalité de 1,5%.
Prendre en compte le délai d’incubation
Cependant, ces estimations du taux de létalité sont basées par définition sur le nombre de décès / nombre de cas d'infection confirmés, ce qui n'est pas représentatif du taux de létalité réel. Pourquoi ?
- Parce que les patients décédés un jour donné ont été infectés beaucoup plus tôt et le dénominateur du taux de mortalité devrait donc être le nombre total de patients infectés le même jour que ceux qui sont décédés.
- Or, ce dénominateur reste inconnu car les cas asymptomatiques ou les patients présentant des symptômes très légers peuvent ne pas avoir été identifiés. De tels cas devraient-ils ou ne devraient-ils pas être inclus dans l'estimation des taux de mortalité alors que les estimations se rapportent habituellement aux cas cliniquement apparents ?
Ensuite quelle période d’incubation prendre en compte ? La période d'incubation maximale est supposée aller jusqu'à 14 jours mais le délai médian entre l'apparition des symptômes et l'admission en unité de soins intensifs (USI) est d'environ 10 jours. Enfin l’OMS signale que le délai entre l'apparition des symptômes et le décès peut varier entre environ 2 et 8 semaines.
L’estimation proposée : les chercheurs suisses prennent ici en compte un délai d’incubation de 14 jours et réestiment donc les taux de létalité en divisant le nombre de décès sur une journée donnée par le nombre de cas confirmés 14 jours avant. Sur cette base et toujours les données de l'OMS au 1er mars 2020, les taux de décès seraient de (Voir courbe ci-contre) :
- En chine : de 5,6%
- Hors de Chine : de 15,2%.
Enfin, les auteurs précisent qu’une estimation récente, ajustée sur le même principe en fonction du délai d’incubation indique que le taux de mortalité du COVID-19 pourrait atteindre 20% à Wuhan, l'épicentre de l'épidémie.
On l’aura compris, ces résultats suggèrent que les chiffres actuels pourraient largement sous-estimer la menace potentielle de COVID-19 chez les patients symptomatiques.
Source: The Lancet Infectious Diseases March 12, 2020 DOI :10.1016/S1473-3099(20)30195-X Real estimates of mortality following COVID-19 infection
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