Les conversations les plus importantes et certainement les plus difficiles dans le domaine des soins sont celles qui interviennent avec des patients atteints de maladies graves et mortelles. Ces conversations nécessitent une formation des médecins et des infirmières qui prennent soin de ces personnes à un moment si vulnérable de leur vie et qui peuvent avoir des difficultés à admettre ce que l'avenir leur réserve. Les discussions sur les options de traitement et les pronostics dans ces contextes doivent observer un équilibre délicat ; l’apprentissage automatique peut paradoxalement aider, par l’analyse de ces discussions, à mieux préserver cet équilibre, nous explique cet expert en communication patient de l’Université du Vermont, dans la revue Patient Education and Counselling. L’objectif, un guide de conversation pour les professionnels de santé, adapté aux différentes situations « patients ».
Le Dr Robert Gramling est un spécialiste de médecine palliative de l'Université du Vermont. Il a eu l’idée, avec son équipe, d’utiliser l'apprentissage automatique et le traitement du langage naturel pour mieux comprendre à quoi ressemblent et devraient ressembler ces conversations, pour pouvoir aider les professionnels de santé concernés à améliorer cette communication avec le patient en fin de vie.
« Ce que nous avons trouvé confirme l'importance du récit en médecine »
La « conversation» est un concept complexe, rappelle le spécialiste. L’objectif de ces travaux est de pouvoir mieux évaluer ces conversations, pour aménagervles protocoles et le système de santé de manière à mieux communiquer avec les patients. Il s’agit donc ici de comprendre les types de conversations que les personnes peuvent tenir en cas de maladie grave, identifier leurs points communs et déterminer si ces conversations suivent également des scénarii similaires. A l’aide d’algorithmes d'apprentissage automatique, l’équipe a ainsi analysé 354 transcriptions de conversations sur les soins palliatifs recueillies par la Palliative Care Communication Research Initiative, auprès de 231 patients. Chaque conversation a été découpée en 10 parties avec un nombre égal de mots dans chacune, pour chaque partie, l’analyse a porté sur la fréquence et la distribution des mots au fil du temps, sur la terminologie utilisée pour décrire la maladie, sur les mots utilisés également pour décrire les sentiments et les émotions. Enfin, ce découpage en 10 parties a permis d’évaluer aussi l’évolution de ces éléments de langage au fil de la conversation.
Des signaux forts ont ainsi été « captés », écrivent les chercheurs : ces conversations ont plutôt tendance à parler du passé d’abord pour aller vers l'avenir, et de décrire des sentiments plus tristes pour aboutir à des sentiments plus positifs. Les symptômes interviennent plutôt en début la conversation, les options de traitement au milieu et le ispronostic à la fin. Et l'utilisation de verbes modaux – des mots comme « peut », « pourrait » et « voudrais » qui se réfèrent à la probabilité et à l'opportunité, augmente au fil de la conversation. La description prend place en début de discussion, l'évaluation ou le pronostic viennent plutôt en fin de conversation.
Les soins de santé ont un sens pour les patients qui les décrivent comme une véritable « histoire ».
Si les applications plus pratiques de ces travaux « sont encore loin », explique l’auteur principal, nous commençons, grâce à cet outil à pouvoir qualifier les différents types de conversations qui peuvent avoir lieu dans le contexte des soins de santé. Nous allons pouvoir ainsi développer toute une taxonomie de ces conversations « médicales » puis nous pourrons chercher à améliorer chaque type de conversation dans chaqure type de situation. Cela permettra enfin de fournir une sorte de guide pour les professionnels de santé qui doivent tenir ce type de conversation avec leurs patients en soins palliatifs. « Nous pourrons ainsi créer des interventions qui correspondent à dont le patient a le plus besoin ».
Identifier les ressources nécessaires pour chaque patient et chaque famille, fait également partie de l'objectif de cette équipe. Seul le dialogue avec le patient permet d'identifier les ressources nécessaires pour apporter des soins mieux personnalisés, concluent les auteurs. Une compréhension plus approfondie de ces conversations, souvent chargées d'émotions et de doutes, va également permettre de révéler les comportements, les protocoles et les soins prioritaires pour chaque patient et sa famille.
« Nous évaluons déjà de nombreux autres processus en soins cliniques, mais nous n'avions encore jamais fait ce travail dans le domaine pourtant essentiel de la communication patient ».
Source: Patient Education and Counselling (In Press) via Eurekalert (AAAS) 9-Dec-2019 Machine learning can help us understand conversations about death
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