Cette expérience de transplantation (ou greffe) de cellules nerveuses humaines dans un cerveau de souris révèle que ces neurones vont se développer, puis se connecter entre eux puis aux circuits cérébraux existants. Ces travaux de l’Université libre de Bruxelles publiés dans la revue Neuron fournissent ainsi un modèle in vivo pour étudier le développement des circuits neuronaux et mieux comprendre les mécanismes sous-jacents mais aussi leurs dysfonctionnements dans les maladies cérébrales. Ils révèlent enfin que les neurones humains préservent des qualités intrinsèques majeures : leur horloge biologique qui assure leur bonne maturation et ler caractère « juvénile », même en cas de greffe dans un cerveau âgé.
Qu’est-ce qui rend le cerveau humain si unique ? Le cortex cérébral, la couche extérieure de notre cerveau, appelée « matière grise », est la structure complexe qui nous apporte ces capacités cognitives avancées qui nous distinguent des autres animaux. L'une des caractéristiques remarquables des neurones humains est leur développement exceptionnellement long, explique l’auteur principal, Pierre Vanderhaeghen, neuroscientifique : « c’est ce qui rend le cerveau humain si unique : les circuits neuronaux mettent des années à atteindre leur pleine maturité. Il leur suffit de quelques semaines chez la souris ou de quelques mois chez le singe. Cette longue période de maturation des neurones leur laisse beaucoup plus de temps pour former les circuits cérébraux qui nous permettent d'apprendre efficacement pendant une période prolongée, jusqu'à la fin de l'adolescence. C'est une caractéristique très importante et unique de notre espèce, dont l'origine reste un mystère ».
Greffer des neurones juvéniles pour remplacer les neurones blessés
Comprendre les mécanismes sous-jacents à la formation des circuits cérébraux est important, pour pouvoir comprendre et traiter les maladies cérébrales. Les perturbations du développement d certains circuits sont liées à la déficience intellectuelle et à des maladies psychiatriques telles que la schizophrénie. L’équipe belge présente ici une nouvelle stratégie pour transplanter des neurones humains sous forme de cellules individuelles dans le cerveau de souris et pouvoir suivre leur développement dans le temps : les scientifiques « partent » de cellules souches embryonnaires humaines et les spécialisent en neurones puis les injectent dans le cerveau de jeunes rats. Ils sont ainsi en mesure d'étudier des neurones humains in vivo, dans un cerveau vivant pendant plusieurs mois à l’aide de toute une gamme de techniques.
Principales découvertes :
- les cellules humaines transplantées suivent le même plan de développement que dans le cerveau humain, avec une période de maturation longue de plusieurs mois, typique des neurones humains. Cela signifie que nos cellules nerveuses suivent leur « horloge interne », indépendamment de leur milieu environnant ;
- ces cellules cellules nerveuses conservent leurs propriétés « juvéniles », même lorsqu’elles sont greffées dans un cerveau adulte de souris ;
- les cellules humaines s’avèrent capables de « fonctionner » dans les circuits neuronaux de la souris. « Après des mois de maturation, les neurones humains ont commencé à traiter les informations, par exemple en répondant aux informations visuelles de l'environnement », explique le Dr Ben Vermaercke, co-auteur de l’étude ;
- les cellules humaines montrent des réponses différentes selon le type de stimulus, ce qui suggère le développement de connexions entre les cellules transplantées et une bonne intégration de ces connexions dans les circuits cérébraux de la souris hôte ;
Est-ce un résultat anecdotique que de constater que des neurones humains greffés chez la souris établissent des connexions fonctionnelles dans le cerveau de l’animal ? En réalité, ces travaux surprenants ont de multiples implications, au-delà d’offrir un modèle in vivo du développement des neurones humains.
- L’étude apporte la première preuve de concept que des neurones différenciés à partir de cellules souches pluripotentes humaines parviennent, une fois greffés, à une intégration si compléter qu’ils parviennent à maturation et forment des connexions ;
- C’est la possibilité de pouvoir étudier toute une série de maladies susceptibles d'influencer le développement des neurones humains en circuits neuronaux. Les chercheurs prévoient ainsi de renouveler ces expériences avec des neurones présentant des mutations génétiques liées à des maladies cérébrales pour pouvoir identifier les anomalies de maturation et de connexion associées à la maladie en question ;
- Enfin, la préservation du caractère juvénile des cellules greffées, y compris dans un « cerveau âgé » est de bon augure pour la réparation neurale : « Le fait que les jeunes neurones humains transplantés puissent s'intégrer dans des connexions adultes est prometteur en termes de développement de traitement de la neurodégénérescence ou de l'accident vasculaire cérébral. En effet, cela suggère que les neurones perdus ou lésés pourraient être remplacés par la greffe de nouveaux neurones.
Source: Neuron November 21, 2019 DOI : 10.1016/j.neuron.2019.10.002 Xenotransplanted Human Cortical Neurons Reveal Species-Specific Development and Functional Integration into Mouse Visual Circuits
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