Comme « on parle » d’édition du génome, on parle aujourd’hui « d’édition du microbiote » : la modification de précision des bactéries intestinales se révèle en effet, avec ces travaux fondamentaux d’une équipe de l’UT Southwestern Medical Center, comme efficace à réduire les tumeurs (ou le cancer), ici chez la souris. Présentées dans le Journal of Experimental Medicine, ces données confirment non seulement le rôle majeur et central de nos microbiotes dans la santé, mais elles suggèrent, avec toutes les implications associées, que la manipulation du microbiome intestinal est suffisante pour affecter, de manière bénéfique, le développement des tumeurs.
Les chercheurs texans démontrent ici que ce traitement de précision des populations bactériennes de l'intestin réduit le cancer colorectal associé à l'inflammation chez la souris. Ce faisant, ils jettent les bases de nouvelles stratégies de prévention du cancer chez les personnes souffrant d'inflammation intestinale chronique. Car la maladie inflammatoire chronique de l'intestin (MICI dont colite ulcéreuse et maladie de Crohn) affecte des millions de personnes dans le monde, rappelle l'auteur correspondant, le Dr Ezra Burstein, professeur de médecine interne et de biologie moléculaire et chef du service des maladies digestives et hépatiques.
On connait le risque plus élevé, chez les patients vivant avec une MICI de développer un cancer colorectal, un cancer classé au 3è rang par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en termes d’incidence et comme deuxième cause de décès par cancer.
Les MICI multiplient par 3 à 7 le risque de cancer colorectal. En raison de cette association, les patients souffrant d'inflammation intestinale devraient subir un dépistage intestinal, appelé coloscopie, 3 à 10 fois plus souvent que les personnes en bonne santé qui n'ont pas d'antécédents familiaux de ce cancer (soit chaque 1 à 3 ans vs chaque 10 ans).
La manipulation du microbiome intestinal suffit à « affecter » le développement des tumeurs.
L’idée ici est de définir des traitements médicamenteux capables de modifier le comportement et la composition du microbiote intestinal. Comme le cancer colorectal, les MICI de longue date sont associées à des déséquilibres dans les communautés bactériennes qui tapissent l’intestin, expliquent l’auteur correspondant, le Dr Sebastian Winter, professeur adjoint de microbiologie et d’immunologie et l’auteur principal, le Dr Wenhan Zhu, chercheur postdoctoral : « Notre tractus intestinal regorge de microbes, dont beaucoup sont bénéfiques et contribuent à notre santé. Cependant, dans certaines conditions, le fonctionnement normal de ces communautés microbiennes peut être perturbé. Une surabondance de certains microbes est associée à un risque accru de développement de certains cancers ».
Cibler les voies métaboliques de l’inflammation, est la stratégie utilisée dans l'étude. Ces voies ne sont actives qu’en cas d'inflammation intestinale et seulement en présence de certaines bactéries. Une précédente étude publiée dans la revue Nature a montré que ce type d’approche pouvait bloquer ou réduire l'inflammation chez un modèle murin de colite, sans avoir d'effet délétère sur les bactéries bénéfiques. Ainsi, on peut citer les bactéries E. coli (Escherichia coli) qui pour la plupart sont inoffensives et protègent l'intestin humain d'autres agents pathogènes intestinaux tels que Salmonella, une cause courante d'intoxication alimentaire. Cependant, un sous-ensemble de bactéries E. coli produit une toxine qui induit l’inflammation.
Priver les bactéries nocives d’énergie : l’administration d’un sel de tungstène soluble dans l’eau permet de modifier la manière dont ces bactéries nuisibles E. coli génèrent de l’énergie pour leur croissance. Priver ces bactéries d’énergie permet ici de réduire l'inflammation intestinale et l'incidence des tumeurs chez 2 modèles animaux de cancer colorectal. Le problème est que le tungstène, un métal lourd est sévèrement toxique, il s’agissait donc de trouver un moyen moins dangereux pour obtenir le même effet.
C’est ici qu’intervient « l’édition de précision du microbiome intestinal ». Et cette stratégie constitue un changement complet de stratégie par rapport aux traitements cliniques actuels, dont l’utilisation d’antibiotiques à large spectre qui tuent les mauvaises bactéries -mais aussi les bonnes- afin de réduire le risque de cancer.
Cette nouvelle technique de ciblage du microbiote intestinal, dont il reste à identifier les outils médicamenteux, pourrait suffire à affecter la formation de tumeurs de manière significative, concluent les chercheurs.
Source: Journal of Experimental Medicine July 29, 2019 DOI: 10.1084/jem.20181939 Editing of the gut microbiota reduces carcinogenesis in mouse models of colitis-associated colorectal cancer
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