Parfois, la meilleure défense contre les envahisseurs hostiles est une bonne et longue sieste. C’est la stratégie qu’adoptent parfois les bactéries selon cette étude, présentée dans Nature par des scientifiques de l’Université Rockefeller (New York). Face à une attaque virale, les microbes se défendent ainsi non seulement contre leurs ennemis, mais aussi contre eux-mêmes. Une mesure drastique qui ne tue pas les bactéries, mais les plonge dans un état de dormance empêchant la propagation de l'infection.
Les virus bactériophages sont l'ennemi public numéro 1, car ils se propagent en injectant leur génome dans des microbes sans méfiance, ce qui entraine la rupture de leur cellule hôte, la libération d’autres phages qui vont infecter d’autres cellules. Face à une telle attaque, les bactéries ont développé des mécanismes immunitaires connus sous le nom de CRISPR (clustered regularly interspaced short palindromic repeats ou regroupements en répétitions palindromiques régulièrement espacées), qui, avec l'aide d’enzymes « Cas » détectent et détruisent le matériel génétique étranger. Les microbes ont à leur disposition de nombreux mécanismes CRISPR, mais l’un d’eux a attiré l’attention des chercheurs -dont l’auteur principal, Luciano Marraffini- en raison de sa stratégie unique pour lutter contre les intrus.
Dormir pour bloquer la réplication du virus
On pensait initialement que la fonction de Cas 13 était de lutter contre les phages dotés de génomes à ARN. Le « problème » est que les phages à ARN sont extrêmement rares. Les chercheurs révèlent ici un autre rôle de Cas13, qui protège aussi les bactéries contre les phages dotés de génomes à ADN, beaucoup plus courants. Ils montrent que Cas13 protège les bactéries en les plongeant dans un état de dormance, une phase de repos dans laquelle les microbes restent en vie mais ne se développent pas. Et cette stratégie fonctionne, car les virus ont besoin de l'ARN hôte pour se répliquer.
Les phages sont des parasites : en effet, ils ne disposent pas de tous les éléments nécessaires à leur propagation, ils dépendent donc de l'hôte. Et si la cellule hôte ne fabrique pas ces éléments, le phage ne peut pas se propager. C’est un super pouvoir de lutte contre les virus, car la dormance des cellules ne cible pas un virus en particulier, mais empêche tout phage, y compris les phages mutants, de se propager.
Et si une sieste indéfinie peut « ne pas être une vie pour un microbe », les chercheurs nous expliquent que ce mécanisme de Cas13 ne se situe pas au niveau de l'individu, mais à celui de la communauté bactérienne dans son ensemble !
Source : Nature 29 May 2019 Cas13-induced cellular dormancy prevents the rise of CRISPR-resistant bacteriophage
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