On met plus souvent en avant, dans la qualité des soins, l’importance de la relation médecin – patient ou la coordination des équipes de soins ou la relation médecin-infirmier par exemple. Cet article de perspective, publié dans le JAMA fait valoir une autre relation clé, la confiance mutuelle des médecins, pour la sécurité et la qualité des soins. Le Dr Richard M. Frankel, du Regenstrief Institute (Indianapolis) écrit : « Si les médecins ne se valorisent pas entre eux et ne se font pas confiance, la sécurité et la qualité des soins prodigués aux patients risque d'être compromise ».
En effet, les études accordent peu d’attention aux relations entre médecins eux-mêmes. Cependant, les interactions entre médecins, par exemple, entre un médecin généraliste et le cardiologue du patient ou entre le pédiatre et l’équipe d'oncologie, sont essentielles à la sécurité et à la qualité des soins, mais aussi à la résilience des médecins et des autres professionnels de santé.
« Les médecins doivent se faire confiance les uns aux autres » est donc le titre et l’affirmation de cet article qui fait valoir que si la confiance dans la relation médecin à médecin n’a que rarement été examinée de près, la relation apparaît aussi de plus en plus menacée. « La confiance est importante pour le fonctionnement de tout système humain et nous savons que pour que le système de santé fonctionne correctement, la confiance doit être investie à tous les niveaux », écrit ainsi l’auteur.
D’où provient ce manque de confiance apparent ? L’auteur invoque plusieurs facteurs (et conséquences sur les médecins) :
- la compétitivité des études de médecine, entre ceux qui se lancent dans les spécialités les plus sélectives et leurs collègues des soins primaires. Les spécialistes auraient-ils un manque de confiance dans le jugement de leurs pairs en soins primaires simplement parce qu'ils ont choisi une carrière médicale moins spécialisée ?
- l'utilisation des dossiers médicaux électroniques et le développement de spécialités telles que la médecine hospitalière qui ont pu éliminer une grande partie des interactions interpersonnelles qui existaient entre les médecins de soins primaires et les spécialistes. Les appels téléphoniques pour discuter d'un cas ou la mise à jour dans un couloir d’hôpital se font plus rares ;
- plus globalement, à ce manque d'interaction interpersonnelle, s’ajoute l'augmentation de l'épuisement professionnel des médecins et la diminution de leur résilience.
Echanger en confiance : la diversité des opinions, l’esprit critique et le scepticisme sont bénéfiques à la pratique et permettent de fournir de bons soins ainsi que de détecter d’éventuelles erreurs médicales. « Mais si un médecin n’a pas confiance en ses collègues et développe des attitudes cyniques et méfiantes, le système risque de nuire aux patients ».
3 principes de base pour renforcer les relations entre médecins :
- Reconnaître que les relations médecin-médecin sont importantes et doivent recevoir le même niveau d'attention et d'intention que les relations patient-médecin et les relations interpersonnelles (médecin-infirmière, par exemple) ;
- exploiter les différences d’opinions comme une ressource positive ;
- veiller à la qualité des relations à chaque instant, et pratiquer soi-même le respect et la responsabilisation vis-à-vis de ses confrères, pour une meilleure collaboration.
« Nous devons mettre davantage l'accent sur la confiance mutuelle des médecins », conclut l’expert : « pour mieux comprendre comment le système médical réussit ou échoue et pour contribuer à l’épanouissement, et dans certains cas, à la reconstruction du médecin. Face au nombre croissant d'erreurs médicales, les médecins ont clairement besoin de meilleures façons de communiquer et de travailler ensemble ».
Source: JAMA March 22, 2019 doi:10.1001/jama.2018.20569 Physicians’ Trust in One Another
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