Au fil des études, l’ADN « poubelle » se révèle opérant dans de nombreux mécanismes, dont récemment le développement des tumeurs… Cette étude de l’Université du Michigan révèle ici un rôle positif de l'ADN satellite, un type de « junk DNA », dans la cohésion du génome. Des travaux présentés dans la revue eLife qui décrivent une nouvelle fonction biologique vitale qui consiste à s'assurer que les chromosomes se regroupent correctement dans le noyau de la cellule, un processus essentiel à la survie cellulaire.
« L’ADN poubelle » ou « junk DNA », non codant pour des protéines, n’est définitivement pas dénué de fonction biologique. La compréhension de ces molécules est longtemps restée un défi, par manque de technologies permettant d’identifier l’ensemble de ces fonctions biologiques. Pourtant leur compréhension est bien cruciale alors que l’ADN non codant constitue la majeure partie, soit 98% du génome humain.
L’étude est centrée sur l’ADN satellite péricentromérique constitué d'une séquence très simple et très répétitive de code génétique. Bien qu'il représente une partie substantielle de notre génome, l'ADN satellite ne contient pas non plus d'instructions codant pour la fabrication de protéines spécifiques. A ce titre, l’ADN satellite fait partie de « l’ADN poubelle ». Enfin, jusqu’à ces travaux on pensait que sa nature répétitive contribuait à rendre le génome moins stable et plus vulnérable aux dommages ou à la maladie. Il n’en est rien.
Tout d’abord, cet ADN ne pouvait être résumé à des déchets génomiques : Yukiko Yamashita, professeur au University of Michigan Life Sciences Institute et auteur principal de l'étude n’était pas tout à fait convaincus par l'idée que cet ADN se résumait à des déchets génomiques : « S’il ne nous est pas utile et s’il ne nous apporte aucun avantage, alors cet ADN aurait été effacé au cours de l’évolution ».
Ensuite, que se passerait-t-il sans cet ADN ? L’équipe a regardé ce qui se passerait si les cellules ne pouvaient pas utiliser cet ADN satellite péricentromérique. Comme cet ADN est constitué de longues séquences répétitives, les chercheurs ne pouvaient pas simplement muter ou couper l'ADN satellite entier du génome. Ils ont donc abordé la question via D1, une protéine connue pour se lier à l'ADN satellite. Les chercheurs ont ôté D1 des cellules d'un organisme modèle communément utilisé, la mouche à fruits (Drosophila melanogaster) et constaté alors que les cellules germinales – les cellules qui se transforment finalement en spermatozoïdes ou en œufs – étaient en train de mourir. Ces cellules mourantes formaient des micro-noyaux, ou de minuscules bourgeons, à l'extérieur du noyau qui comprenait des fragments du génome. Sans le génome entier encapsulé dans le noyau, les cellules ne pourraient pas survivre.
L'ADN satellite et la protéine D1 se lient en fait pour rassembler tous les chromosomes dans le noyau. Et si la protéine D1 ne peut se lier à l'ADN satellite, alors la cellule perd sa capacité à former un noyau complet et meurt. La protéine D1 a de multiples sites de liaison, de sorte qu'elle peut se lier sur plusieurs chromosomes et les emballer ensemble en un seul endroit, empêchant les chromosomes individuels de flotter hors du noyau. Des expériences similaires menées sur des cellules de souris aboutissent ici à de mêmes résultats.
Prises ensemble, ces données suggèrent que l'ADN satellite est essentiel pour la survie cellulaire, et cela pour l’ensemble des espèces qui intègrent l'ADN dans le noyau cellulaire.
Source: eLife Mar 26, 2018 doi: 10.7554/eLife.34122 A conserved function for pericentromeric satellite DNA
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