Il n’existe aujourd’hui aucun traitement pour la rétinite pigmentaire, une maladie oculaire génétique, qui touche environ 1 personne sur 4.000 dans le monde. Cependant, l’édition du génome pour le traitement des maladies oculaires se rapproche de sa mise en pratique clinique, en particulier avec cette nouvelle étude publiée dans le journal de l'American Academy of Ophthalmology. Ces travaux de l'Université de Columbia présentent une nouvelle technique mise au point avec le puissant outil d'édition de gènes CRISPR, capable de restaurer la fonction rétinienne chez des souris atteintes d'une maladie rétinienne dégénérative, la rétinite pigmentaire. Ce même outil pourrait fonctionner dans des centaines de maladies, expliquent les chercheurs, dont la maladie de Huntington, le syndrome de Marfan et les dystrophies cornéennes.
La technique d'édition « CRISPR/Cas » (CRISP pour Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats) est reconnue comme l'une des technologies biomédicales de pointe et d'avenir. La capacité de la technologie à cibler et faire des coupes précises de l'ADN ou de l'ARN, par l'intermédiaire de bactéries ou de particules qui vont cibler les éléments d'information génétique à modifier, ouvre un nouveau paradigme pour le traitement des maladies à dominante génétique. Et « CRISPR » a déjà été utilisée pour réparer un défaut génétique causant la cécité, précisément dans les cellules souches de patients atteints de rétinite pigmentaire. Cependant, si depuis son introduction en 2012, la technologie d'édition de gènes CRISPR a révolutionné la vitesse et la portée avec lesquelles les scientifiques peuvent modifier l'ADN des cellules vivantes, si les scientifiques l'ont testée sur un large éventail d'applications, elle doit encore surmonter quelques défis à surmonter avant de pouvoir être utilisée en clinique chez les humains pour éliminer les mauvais gènes et les remplacer par les bons.
L’objectif du Dr Stephen H. Tsang et de ses collègues est donc de créer un outil CRISPR plus agile afin de pouvoir traiter plus de patients, et quel que soit leur profil génétique individuel. L’équipe espère même que les essais chez l'homme commencent dans les 3 années à venir : « L'ophtalmologie sera la première spécialité à appliquer à l’édition du génome ».
La rétinite pigmentaire autosomique, un défi particulier pour les chercheurs : la rétinite pigmentaire désigne en réalité tout un groupe de maladies génétiques héréditaires rares causées par un gène, parmi 70 gènes au total. La condition, caractérisée par la rupture et la perte de cellules dans la rétine, se développe généralement pendant l'enfance et progresse lentement, affectant la vision périphérique et la capacité de voir la nuit. La plupart des patients perdront une grande partie de leur vision au début de l'âge adulte et deviendront aveugles vers l'âge de 40 ans. Il n'existe aujourd’hui aucun traitement pour la maladie. Les maladies comme la rétinite pigmentaire autosomique dominante représentent un défi particulier pour les chercheurs. Dans les troubles autosomiques dominants, la personne hérite d'une seule copie d'un gène muté de ses parents et d'un gène normal sur une paire de chromosomes autosomiques. Ainsi, le défi pour les scientifiques avec CRISPR est d'éditer seulement la copie mutante sans altérer la copie saine.
En revanche, les personnes atteintes de troubles autosomiques récessifs héritent de deux copies du gène mutant. Lorsque 2 copies du gène sont mutées, le traitement implique une approche plus simple, en une étape, consistant simplement à remplacer le gène défectueux. Actuellement, 6 laboratoires pharmaceutiques développent des thérapies géniques pour la forme récessive de la rétinite pigmentaire ; mais aucun pour la forme dominante.
Une nouvelle stratégie pour traiter la maladie autosomique dominante : comme la technique du Dr Tsang peut être appliquée d'une manière indépendante de la mutation, elle représente une stratégie plus rapide et moins coûteuse pour surmonter la difficulté de traiter les troubles dominants avec l’édition du génome. Les chercheurs conçoivent une courte séquence de code appelée ARN guide qui correspond au « morceau » qu'ils veulent remplacer. Ils attachent l'ARN guide à une protéine appelée Cas9 et l’ensemble parcourt le noyau de la cellule jusqu'à trouver le morceau d'ADN correspondant. Cas9 décompresse l'ADN et pousse l'ARN guide. Il coupe ensuite le mauvais code et amène la cellule à accepter le bon code, en détournant la machinerie de réparation génétique naturelle de la cellule. Au lieu d'utiliser un ARN guide, les chercheurs utilisent ici 2 ARNs guides pour traiter la rétinite pigmentaire autosomique dominante, causée par des variations du gène de la rhodopsine. La rhodopsine est une cible thérapeutique importante, car elle cause environ 30% de la rétinite pigmentaire autosomique dominante et 15% de toutes les dystrophies rétiniennes héréditaires. L'utilisation de 2 ARNs guides au lieu d'1 augmente les chances de remplacer le mauvais gène de 30% à 90%. Un autre avantage est que la technique peut être également utilisée sur des cellules qui ne se divisent pas, ce qui suggère qu'elle pourrait permettre des thérapies géniques axées sur des cellules adultes qui ne se divisent pas, comme les cellules de l'œil justement, du cerveau ou du cœur. Alors que jusqu'à présent, CRISPR a été appliqué plus efficacement sur des cellules « en division ».
Ici testée chez la souris modèle par test de vision objectif, CRISP revisitée permet une amélioration significative de la fonction rétinienne. Un résultat important, alors que les études précédentes portant sur l’efficacité de CRISPR pour les maladies rétiniennes reposaient sur une mesure moins objective de la vision. Ici l’équipe démontre que la dégénérescence rétinienne ralentit dans les yeux traités vs yeux non traités.
Source: Ophthalmology May, 2018 DOI: 10.1016/j.ophtha.2018.04.001 Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats-Based Genome Surgery for the Treatment of Autosomal Dominant Retinitis Pigmentosa
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