Le grand public commence à être bien informé sur les effets du bisphénol A (BPA) et d'autres substances chimiques sur la santé. Cette recherche d’une équipe de l'Université de Calgary, présentée à ENDO 2018, le congrès annuel de l’Endocrine Society (Chicago) sensibilise les femmes enceintes aux expositions durant la grossesse et à la nécessité de protéger leurs bébés : l’étude montre en effet que l'exposition in utero même à de faibles niveaux peut entraîner une altération du développement cérébral.
Le BPA est un composé chimique présent dans de nombreux produits de consommation, dont les bouteilles d'eau, les tickets en papier, l’intérieur des cannettes et de certains contenants de stockage alimentaire. Le BPA est reconnu comme un perturbateur endocrinien, soit un composé qui interfère avec nos hormones. Si en France, le BPA est interdit depuis 2013 dans les biberons, et depuis 2015 dans les contenants alimentaires et les tickets de caisse, en Europe, la position de l’EFSA est moins tranchée : en effet, en 2015, l’Agence européenne a fixé une nouvelle dose journalière tolérable (DJT) de 4 µg/kg de poids corporel et /jour, mais, dans le même temps a conclus à l’absence de risque pour la santé des consommateurs de tous les groupes d'âge, y compris des groupes plus vulnérables dont les enfants. Cette nouvelle recherche menée sur des souris explique comment l'exposition au BPA, en particulier durant la grossesse, et même à des niveaux très inférieurs aux limites réputées comme sûres, peut entraîner une altération du développement du cerveau de l’enfant plus tard dans la vie.
BPA et cerveau en développement, une littérature déjà abondante : « Des décennies de recherche avec plus d’un millier d’études épidémiologiques chez l’animal et une centaine chez l’Homme ont documenté le lien entre l'exposition au BPA et de multiples effets néfastes sur la santé », rappelle Deborah Kurrasch, professeur agrégée à l'Université de Calgary : « Ceci est particulièrement vrai pour le cerveau en développement, particulièrement sensible aux effets du BPA pendant la grossesse/gestation. Ainsi, plusieurs études chez l'homme ont corrélé l'exposition précoce au BPA avec des problèmes de comportement plus tard dans l'enfance, suggérant que le BPA altère le développement cérébral avec des effets durables sur le fonctionnement neuronal ».
Quelle preuve des effets du BPA sur le cerveau ? L’étude est basée sur des doses de BPA pertinentes par rapport à notre environnement réel et montre que l'exposition au BPA pendant le développement du cerveau affecte le développement des cellules nerveuses, ou des neurones. Les chercheurs suivent en effet 3 groupes de souris gravides, un groupe à régime alimentaire exempt de BPA, un groupe avec des doses élevées de BPA, un groupe avec des doses faibles de BPA. L’analyse montre une augmentation du nombre de neurones créés au début du développement chez les souriceaux exposés à des doses élevées et faibles de BPA pendant la grossesse, vs ceux non exposés. Ces décalages dans la « production » de neurones suggèrent des anomalies dans les neurones spécialisés et les connexions : on sait, en effet, que les neurones spécifiques ou spécialisés naissent à des moments très différents, et s'ils naissent de manière trop précoce, ces neurones précoces vont migrer au mauvais site et formeront des connexions anormales. Ces contribuent ainsi à expliquer comment le BPA affecte le développement cérébral et le lien entre son exposition et certains troubles neurologiques.
D’autant qu’ici, les jeunes souris exposées in utero présentent des troubles du comportement similaires à ceux observés chez certains enfants dont les mères ont été exposées à des niveaux élevés de BPA pendant la grossesse.
Bref, un rappel aux femmes enceintes d’éviter autant que possible l’exposition au BPA et autres substances toxiques durant la grossesse.
Source: ENDO 2018: The Endocrine Society's 100th Annual Meeting & Expo 17-Mar-2018 Exposure to low levels of BPA during pregnancy can lead to altered brain development
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