Comment le stress modifie fondamentalement nos souvenirs, c’est l’objet des recherches de cette équipe de chercheurs de l'hôpital pour enfants malades de Toronto (SickKids) qui décrypte ici dans la revue Cell, comment le stress modifie la façon dont notre cerveau encode et rappelle les souvenirs négatifs. Ces travaux qui commencent à décrypter les processus en cause dans le syndrome de stress post-traumatique, révèlent le rôle clé de récepteurs endocannabinoïdes d’interneurones spécifiques qui laissent, en cas de stress, plus de place aux engrammes « néfastes » dans la mémoire.
L’un des auteurs principaux, Sheena A. Josselyn, neuroscientifique à l’Université de Toronto, relève : « Un peu de stress est bon, c’est ce qui vous fait vous lever le matin lorsque votre réveil sonne, mais trop de stress peut être très handicapant. Les patients atteints de SSPT peuvent éprouver et manifester des réactions de peur face à des situations ou des environnements qui sont sûrs. Nous avons cherché à limiter cette réaction de peur au moins aux situations spécifiques causes du SSPT ».
Un événement stressant qui se reproduit, entraîne immanquablement à nouveau un stress, car le cerveau l’associe à la première expérience désagréable. Ce type de stress est lié à un souvenir. Mais le stress causé par des événements traumatiques comme la violence ou une anxiété généralisée peut se propager bien au-delà de l'événement d'origine, c’est ce que les experts appellent
la généralisation de la mémoire aversive induite par le stress.
Alors, des stimuli différents peuvent également déclencher des souvenirs effrayants et recréer un stress ou une anxiété. Dans le cas du SSPT, cela peut entraîner des conséquences négatives sévères.
Une meilleure compréhension de ce processus de généralisation de la mémoire peut inspirer des thérapies concrètes de différents troubles psychiatriques et autres troubles cérébraux, soulignent les chercheurs qui proposent ici une nouvelle approche prometteuse pour restaurer une mémoire « en bonne santé » chez les patients atteints de syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
L’étude cherche à identifient les processus biologiques à l’origine de cette généralisation de la mémoire aversive induite par le stress et suggère ainsi une intervention qui pourrait contribuer à traiter les patients atteints de SSPT :
L’équipe de recherche a exposé des souris modèles à un stress aigu, mais sans danger, afin de créer un souvenir de peur pouvant être déclenché par des situations sans danger sans rapport, de manière similaire à la façon dont le SSPT se développe chez l’Homme ;
- l’examen des engrammes de mémoire ou traces mnésiques (représentations physiques d’un souvenir dans le cerveau) montre que ces souvenirs induits par le stress impliquent beaucoup plus de neurones que d’autres types de souvenirs ;
- ce sont ces engrammes plus larges qui reproduisent des souvenirs de peur généralisés même dans des situations sans danger ou sans rapport ;
- le stress induit en fait une augmentation de la libération d’endocannabinoïdes (cannabinoïdes endogènes) qui perturbe la fonction des interneurones, dont le rôle est justement de limiter la taille de l’engramme.
Le système endocannabinoïde participe en effet à la formation de la mémoire et permet de relier les expériences vécues à des comportements spécifiques. Dans l’amygdale, le centre de traitement émotionnel du cerveau, certains interneurones « gardiens » ont des récepteurs spéciaux pour les endocannabinoïdes et permettent de limiter la taille de l’engramme et la spécificité de la mémoire.
Mais, lorsque trop d’endocannabinoïdes sont libérés, la fonction des interneurones gardiens est perturbée, provoquant une augmentation de la taille de l’engramme.
L’équipe montre alors que le blocage des récepteurs endocannabinoïdes sur les interneurones permet de limiter la généralisation de la mémoire aversive induite par le stress ;
« En bloquant ces récepteurs endocannabinoïdes uniquement sur ces interneurones spécifiques, nous pourrions essentiellement prévenir l’un des symptômes les plus débilitants du SSPT », concluent les scientifiques, qui se penchent aujourd’hui sur la manière dont les facteurs de stress quotidiens peuvent avoir un impact sur les souvenirs heureux.
« De nombreuses fonctions et processus biologiques qui composent la complexité de la mémoire humaine restent encore à découvrir »…
Source: Cell 15 Nov, 2024 DOI: 10.1016/j.cell.2024.10.034 Stress disrupts engram ensembles in lateral amygdala to generalize threat memory in mice
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