Le « mauvais comportement génétique » ou l’expression anormale de certains gènes est un phénomène répandu, y compris chez les personnes en bonne santé, relève cette équipe de biologistes du Wellcome Trust Sanger Institute (Hinxton, Angleterre). L’équipe décrypte, dans l’American Journal of Human Genetics, comment ces anomalies épigénétiques ou les mécanismes qui mènent à une mauvaise expression des gènes, identifiés chez des personnes en bonne santé, peuvent aider à diagnostiquer et à développer des traitements pour des maladies complexes.
Ce « mauvais comportement des gènes » caractérisé par une expression ou activité des gènes alors censés être désactivés est, contrairement à toute attente, un phénomène étonnamment courant en population générale et en bonne santé. Plusieurs mécanismes à l’origine de ces erreurs d’expression sont identifiés, qui vont permettre de faire progresser « la médecine de précision » soit le développement de thérapies ciblées permettant de corriger précisément ces erreurs d’expression.
L’étude se concentre ainsi sur ces activités de gènes « normalement » inactifs et identifie une fréquence surprenante de ces erreurs dans les échantillons analysés, ces erreurs concernant plus de la moitié des gènes censés être inactifs.
Le génome humain contient environ 19.900 gènes.
Ces gènes constituent une sorte de manuel d’instructions de notre corps, codant pour les protéines nécessaires au fonctionnement des cellules. La régulation adéquate des gènes implique l’activation et la désactivation des instructions génétiques en fonction des besoins des cellules ou de facteurs environnementaux. Lorsque cette régulation est erronée, cela peut perturber le fonctionnement normal des cellules, des organes voire des systèmes.
Une mauvaise expression des gènes a déjà été associée à plusieurs maladies rares ou congénitales, cependant, jusqu’à ces travaux, on ignorait l’incidence de ces anomalies en population générale. Ici, l’analyse d’échantillons de sang de 4.568 participants à l’étude « Interval », à l’aide de techniques avancées de séquençage de l’ARN a permis de mesurer l’activité des gènes et d’identifier les changements génétiques à l’origine d’activités génétiques anormales. Ces analyses permettent de constater que :
- même l’incidence des erreurs d’expression reste modeste voire rare au niveau de gènes individuels, ces anomalies se produisant dans les gènes concernés avec une incidence de 0,07 %,
- jusqu’à 96 % des gènes peuvent être concernés par ces erreurs d’expression ;
- c’est le cas, notamment de plus de la moitié des gènes normalement inactifs ;
- ces événements semblent provoqués par de rares changements structurels dans l’ADN.
Ce « mauvais » comportement génétique est donc assez courant,
concluent les chercheurs, sans pour autant toujours entraîner, systématiquement, des problèmes de santé.
Ces travaux apportent ainsi une nouvelle compréhension de la prévalence et des mécanismes de la mauvaise expression des gènes et, plus largement, des complexités de la génétique humaine et des maladies. En pratique, ces observations vont contribuer à diagnostiquer et à développer de nouveaux traitements pour les affections corrélées à ces erreurs d’expression.
L’auteur principal, Thomas Vanderstichele, chercheur au Wellcome Sanger Institute, conclut : « Jusqu’à présent, les recherches avaient examiné le risque de maladie à travers le prisme de gènes hautement actifs. Notre étude révèle que l’activité génétique « inhabituelle » est bien plus courante qu’on ne le pensait et que nous devons prendre en compte l’ensemble des gènes, y compris ceux qui ne devraient pas être actifs mais qui le sont parfois, par erreur. Ce nouveau prisme va permettre un grand pas vers des soins de santé plus personnalisés et une médecine d’une plus grande précision ».
C’est donc avec cette recherche, une nouvelle photographie de « l'incroyable écosystème génomique » de l’Homme et de son rôle dans différentes maladies qui nous est proposée.
Source: American Journal of Human Genetics 24 July, 2024 DOI: 10.1016/j.ajhg.2024.06.017 Misexpression of inactive genes in whole blood is associated with nearby rare structural variants
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