Ces scientifiques Broad Institute du MIT et de Harvard s’attaquent aux infections intestinales résistantes aux antibiotiques. Ils décrivent, dans la revue Nature, une combinaison unique de souches bactériennes capables de contrôler la croissance de ces bactéries nocives, avec à la clé l’espoir de pouvoir freiner ou éradiquer chez l’Homme, certaines de ces infections.
Les infections bactériennes résistantes aux antibiotiques surviennent souvent chez les patients atteints de maladies inflammatoires intestinales chroniques (MICI), et chez les patients qui prennent des antibiotiques depuis longtemps. Les bactéries à Gram négatif telles que les entérobactéries sont une cause courante de ces infections et il existe relativement peu d'options de traitement efficaces contre ces infections.
Les transplantations de microbiote fécal se sont révélées prometteuses pour freiner certaines de ces infections, mais là encore, elles ne sont pas toujours efficaces contre toutes les bactéries.
Les entérobactéries résistantes aux antibiotiques telles que les bactéries E. coli et Klebsiella sont courantes dans les hôpitaux, où elles peuvent proliférer dans l’intestin des patients et provoquer des infections systémiques dangereuses et difficiles à traiter. Certaines recherches suggèrent que les entérobactéries perpétuent également l’inflammation de l’intestin et l’infection via l’aide d’autres microbes.
L’étude a d’abord isolé environ 40 souches de bactéries de chaque échantillon de selles de 5 donneurs sains et les a utilisées pour traiter des souris infectées par E. coli ou Klebsiella. Les chercheurs ont testé différentes combinaisons de souches et identifié un groupe de 18 souches plus efficaces à éliminer les entérobactéries.
- chez les souris modèles de MICI, infectées par Klebsiella, Klebsiella modifie l’expression des gènes impliqués dans l’absorption et le métabolisme des glucides, entraînant une concurrence accrue entre les microbes intestinaux pour les nutriments ;
- chez des patients avec MICI, les chercheurs observent des niveaux plus élevés de gluconate liés à une plus grande consommation de gluconate des entérobactéries : cela suggère que les entérobactéries transforment le gluconate en nutriment essentiel et contribuent à l’inflammation chez les patients ;
- cependant, le combo des 18 bactéries bénéfiques parvient à entrer en compétition avec les entérobactéries pour le gluconate et d’autres sources de nutriments et limite ainsi la prolifération des mauvaises bactéries ;
- les 18 souches bénéfiques ne perturbent pas la croissance des autres « bonnes bactéries saines » chez les souris modèles de MICI ; cela souligne encore davantage leur promesse thérapeutique.
Les recherches se poursuivent sur les mécanismes sous-jacents à cette compétition entre bonnes et mauvaises bactéries, cependant, ces résultats suggèrent que les thérapies microbiennes pourraient modifier de manière bénéfique l’écologie de l’intestin et supprimer les infections bactériennes nocives avec moins d’effets secondaires négatifs que les traitements antibiotiques classiques.
Ce combo de 18 souches bactériennes est déjà la promesse d’un traitement plus efficace. Car ces souches inhibent la croissance des entérobactéries et atténuent l’inflammation dans les intestins -ici de souris- en entrant en compétition avec les bactéries nocives pour les glucides et en les empêchant de coloniser l’intestin.
Enfin, le « ciblage » constitue en effet le principal défi pour parvenir à un traitement efficace pour chaque patient : à la fois parce que chaque patient a un microbiome intestinal spécifique mais aussi parce que chaque MICI est le résultat d’une combinaison de bactéries spécifiques. L’un des auteurs principaux, Marie-Madlen Pust, chercheur au Broad Institute note ainsi « qu’en dépit de plus de 20 années de recherche, les scientifiques commencent tout juste à comprendre comment définir les caractéristiques bénéfiques pour la santé du microbiome intestinal ».
« le microbiome de chaque personne est unique et les bactéries utilisent différents mécanismes d’action pour réduire ou accroître la charge pathogène et l’inflammation intestinale ».
Source : Nature 18 Sept, 2024 DOI:10.1038/s41586-024-07960-6 Commensal consortia decolonize Enterobacteriaceae via ecological control
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