Ce sont de nouveaux facteurs majeurs, avec lesquels il va falloir compter, dans les modélisations de Santé publique : le vieillissement des populations, déjà bien en cause dans la hausse de prévalence des maladies chroniques et « liées à l’âge » et le réchauffement climatique, en cause dans les maladies vectorielles, mais aussi dans certaines maladies et événements cardiovasculaires, entre autres.
Cette large étude de modélisation, menée à la London School of Hygiene & Tropical Medicine et publiée dans le Lancet Public Health, révèle comment ces 2 facteurs vont accentuer les disparités dans les décès, sur l’ensemble du continent européen.
Ces dernières années, l'Europe a connu certains de ses étés les plus chauds, qui ont coïncidé avec des taux de mortalité élevés. Les personnes âgées encourent un risque accru de décès dû aux températures extrêmes, et le nombre de personnes atteignant un âge avancé devrait augmenter au fil du temps.
La plupart des recherches précédentes prévoyant les décès dus aux températures chaudes et froides en Europe ont apporté peu de données détaillées au niveau local ou par pays.
L'étude de modélisation, la première à estimer les décès actuels et futurs dus aux pics de températures chaudes et froides à un niveau de détail régional pour l'ensemble de l’Europe, utilise les données de températures de pas moins de 854 villes européennes. Précisément, l’équipe a utilisé des données de 1.368 régions de 30 pays européens pour modéliser les disparités actuelles dans les décès dus aux températures chaudes et froides et estimer l’évolution de ces risques d’ici 2100. L’ensemble de données – généré par l’analyse des caractéristiques épidémiologiques et socioéconomiques de 854 villes européennes de plus de 50.000 habitants – a été utilisé pour modéliser également le risque de mortalité régionale pour les différentes tranches d’âge (de 20 à plus de 85 ans). 11 modèles climatiques différents ont été pris en compte pour ces modélisations.
Toutes ces modélisations suggèrent que les disparités régionales existantes dans la mortalité liée aux changements de température vont encore s’accentuer, non seulement sous l’influence du changement climatique mais aussi du vieillissement des populations. Parmi les principales conclusions de l’étude :
- une légère baisse des décès liés au froid est prévue d'ici 2100, tandis que les décès dus à la chaleur vont augmenter dans toutes les régions d'Europe, plus particulièrement dans les régions du sud ;
les zones les plus touchées devraient être l'Espagne, l'Italie, la Grèce et certaines régions de France ;
- si, actuellement, 8 fois plus de personnes meurent du froid en Europe que de la chaleur, ce ratio devrait diminuer considérablement d'ici la fin du siècle ;
- ainsi, les décès dus à la chaleur pourraient tripler en Europe d'ici 2100 ;
- globalement, avec un réchauffement climatique de 3°C (estimation haute basée sur les politiques climatiques actuelles), le nombre de décès liés à la chaleur en Europe pourrait augmenter de 43.729 à 128.809 d’ici la fin du siècle ;
- dans ce même scénario, les décès attribués au froid – actuellement beaucoup plus élevés que ceux dus à la chaleur resteraient élevés avec une légère baisse de 363.809 à 333.703 d’ici 2100.
Quelles implications ? Ces données doivent permettre l'élaboration de politiques visant à protéger les zones les plus menacées et les personnes les plus vulnérables aux effets des changements de température, écrivent les chercheurs.
L’un des auteurs principaux, le Dr Juan-Carlos Ciscar, du Centre de recherche de la Commission européenne conclut : « Notre analyse révèle que le ratio de décès dus au froid et à la chaleur va changer radicalement au cours de ce siècle. Notre étude permet d’identifier les points chauds où les personnes seront les plus touchées par ces changements ».
Source: The Lancet Public Health 21 Aug, 2024 DOI: 10.1016/S2468-2667(24)00179-8 Temperature-related mortality burden and projected change in 1368 European regions: a modelling study
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