Cette équipe de cardiologues de l’Université de l'Illinois à Urbana-Champaign décrypte le processus de calcification des valvules cardiaques, mais aussi les défenses naturelles de l’organisme contre ces nodules de calcium dans la valve aortique. Ces travaux publiés dans les Scientific Reports, apportent une nouvelle maîtrise du processus qui va permettre le développement et des tests de nouveaux médicaments.
Le corps humain dispose de défenses sophistiquées contre les dépôts de minéraux calciques qui raidissent les tissus cardiaques, nous expliquent ces médecins, qui documentent ici, de manière détaillée, étape par étape la progression de la calcification. Le chercheur Bruce Fouke, professeur de sciences de la terre et de changement environnemental à l'Université, nous rappelle que : « les maladies cardiaques sont la principale cause de mortalité chaque année entraînant environ 18 millions de décès par an et leur incidence est en augmentation.
Une grande partie de cette incidence est liée à la calcification ».
Les options thérapeutiques sont limitées : lorsque la valvule aortique se calcifie, une chirurgie ultra-invasive pour remplacer la valvule est actuellement la seule option. « Ce qui renforce l’urgence de maîtriser ce processus ».
La valvule aortique est la porte par laquelle le sang oxygéné est pompé du cœur vers le corps, s'ouvrant et se fermant plus de 3 milliards de fois au cours de la vie moyenne. Des dépôts de calcium peuvent se développer dans les trois tissus qui composent la valvule, appelés feuillets, les raidissant et les empêchant de s'ouvrir complètement.
« En cas de calcification des vaisseaux sanguins, un stent peut aider, mais cela n’est pas possible avec la valve aortique. Chaque organe du corps peut être en parfait état, mais
si la valve aortique cesse de fonctionner, c'est la fin ».
Les connaissances sur la façon dont les dépôts de calcium se forment ou se développent restent limitées.
L’étude a porté sur des cœurs de cadavres humains et a utilisé plus de 12 technologies dont la microscopie optique, la microscopie électronique et la spectroscopie, pour préciser la nature et suivre la progression de la minéralisation et de sa localisation dans la valvule aortique. Parmi les observations :
- le point de départ est un tissu de feuillets sain ;
- ensuite, de minuscules sphérules de phosphate de calcium se forment dans la couche musculaire lisse des folioles ;
- la forme de phosphate de calcium présente dans les dépôts minéraux n’est pas du même type que celle trouvée dans les os, appelée apatite, comme on le pensait jusque-là ;
- les dépôts aortiques sont principalement constitués de phosphate de calcium amorphe, qui a la capacité de se transformer morphologiquement et de se réorganiser atomiquement ;
- au fur et à mesure de leur croissance, les sphérules fusionnent en couches qui incrustent et rigidifient le collagène et les fibres musculaires lisses qui confèrent aux folioles leur flexibilité ;
- ces processus se combinent pour former de gros nodules qui tournent, se touchent et rigidifient davantage les tissus ;
- les réactions au sein des tissus des valvules sont similaires alors aux réponses observées dans les récifs coralliens, les sources chaudes et de nombreux autres environnements naturels abritant des interactions vie-eau-minéraux : le sang est saturé de calcium et de phosphate. La calcification du collagène et la croissance de nodules deviennent alors inévitables compte tenu de la chimie, de la biologie et de la composition de notre sang.
Notre corps peut lutter contre cette minéralisation !
La recherche révèle en effet que le corps a développé et exploite des processus incroyablement complexes et efficaces pour lutter contre la minéralisation, ce qui permet de la ralentir considérablement :
- au fur et à mesure que les minuscules sphérules se forment et commencent à fusionner, les tissus cardiaques produisent de grandes quantités de protéine ostéopontine ; l’ostéopontine exerce un effet inhibiteur, ralentissant la calcification du collagène et l’agrégation des nodules ;
- une 2è défense de l’organisme est apportée par le collagène aux sites mêmes où se forment les nodules. Au fur et à mesure que les nodules commencent à se développer, les fibres de collagène s’étirent et les contiennent, formant une barrière qui ralentit leur croissance.
Une cible thérapeutique ? L’ostéopontine pourrait ainsi constituer la base de nouvelles thérapies pour ralentir la calcification.
Source: Scientific Reports 28 May, 2024 DOI: 10.1038/s41598-024-62962-8 Osteopontin stabilization and collagen containment slows amorphous calcium phosphate transformation during human aortic valve leaflet calcification
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