Cette étude de neuroscientifiques de l’Université de Californie – San Diego du métabolisme de l’autisme, révèle ses origines développementales et ouvre de nouvelles options pour sa détection précoce . La recherche apporte, dans la revue Communications Biology, un tout nouvel éclairage sur les changements métaboliques qui se produisent entre la naissance et l’apparition de ces troubles du spectre autistique (TSA), un peu plus tard, dans l’enfance.
Un petit nombre de voies biochimiques, ici identifiées, apparaissent responsables de la majorité de ces changements. Ces observations pourraient donc contribuer à développer de nouvelles stratégies de détection, de prévention voire de traitement de l’autisme.
L’auteur principal, le Dr Robert Naviaux, professeur de médecine, de pédiatrie et de pathologie à l’UC San Diego ajoute : « À la naissance, l’apparence physique et le comportement d’un enfant qui va développer l’autisme au cours des prochaines années ne se distinguent pas de ceux d’un enfant neurotypique. Dans la plupart des cas, le « sort » de l’enfant en ce qui concerne l’autisme n’est pas réglé à la naissance. Nous commençons tout juste à comprendre les dynamiques qui régissent le passage du risque à l’apparition réelle des premiers symptômes du TSA ».
Un diagnostic précoce pour une intervention précoce
Le TSA est caractérisé par des difficultés de socialisation et de communication, ainsi que par des comportements répétitifs et/ou restrictifs. Pour la majorité des personnes atteintes de TSA, cette condition constitue un handicap important :
- seulement 10 à 20 % des enfants diagnostiqués avant l’âge de 5 ans sont capables de vivre de manière autonome à l’âge adulte.
On sait que l’autisme présente de puissants facteurs de risque génétiques, cependant des facteurs de risque environnementaux jouent également un rôle dans son développement et sa gravité. La recherche actuelle met en lumière l’importance de l’interaction en temps réel de ces différents facteurs, génétiques et environnementaux dans le développement de l’autisme.
L’étude de la biologie du développement du métabolisme et ses différences dans l’autisme, apporte ici de nouvelles connaissances sur les TSA ainsi que sur d’autres troubles complexes du développement.
« Le comportement et le métabolisme sont liés, on ne peut pas les séparer ».
L’équipe suit 2 cohortes d’enfants, l’une composée de nouveau-nés chez lesquels l’autisme n’avait pas été détecté, une 2è composée d’enfants de 5 ans, dont certains avaient reçu un diagnostic d’autisme. La comparaison des profils métaboliques des enfants de la cohorte qui ont finalement reçu un diagnostic d’autisme vs de ceux qui ont suivi un développement neurotypique, identifie des différences frappantes :
- sur les 50 voies biochimiques différentes étudiées, 14 seulement s’avèrent responsables de 80 % de l’impact métabolique de l’autisme ;
- les voies les plus modifiées sont liées à la réponse cellulaire au danger, une réaction cellulaire naturelle et universelle à une blessure ou à un stress métabolique ; le corps dispose en effet de protections biochimiques qui peuvent arrêter la réponse cellulaire au danger une fois la menace passée.
Une anomalie de la réponse cellulaire au danger ? Les chercheurs émettent l’hypothèse que l’autisme survient lorsque ces protections ne se développent pas normalement. Le résultat est
une sensibilité accrue aux stimuli environnementaux,
et cet effet contribue à exacerber les sensibilités sensorielles et à d’autres symptômes associés à l’autisme.
La recherche replace ainsi le métabolisme tel un langage utilisé par le cerveau, l’intestin et le système immunitaire pour communiquer au centre du développement de l’autisme : en d’autres termes, l’autisme se développe en cas d’anomalie de communication « métabolique » entre ces entités.
Une voie thérapeutique, enfin ? La réaction cellulaire au danger est principalement régulée par l’adénosine triphosphate (ATP), la principale source d’énergie pour les fonctions cellulaires du corps. Bien que ces voies de signalisation ATP ne se développent pas normalement dans l’autisme, elles peuvent être partiellement restaurées avec les médicaments pharmaceutiques existants : ainsi, la suramine, le seul médicament approuvé chez l’Homme capable de cibler la signalisation ATP, indiquée dans le traitement de la maladie du sommeil, pourrait constituer une option.
Plus largement, en révélant les voies spécifiques liées à l’ATP altérées dans l’autisme, ces travaux vont aider les scientifiques à développer des médicaments ciblant ces voies et permettant de mieux gérer les symptômes du TSA.
« La suramine n’est qu’un médicament parmi d’autres qui cible la réponse cellulaire au danger. Nous ne sommes probablement qu’au début d’une génération de médicaments plus efficaces contre le TSA ».
Source: Communications Biology 10 May, 2024 DOI : 10.1038/s42003-024-06102-y Metabolic network analysis of pre-ASD newborns and 5-year-old children with autism spectrum disorder
Plus sur les TSA
Laisser un commentaire