Le déclin de la fertilité humaine n’est pas dû à une soudaine incapacité à se reproduire, mais plutôt à un déclin collectif et culturel du désir de mettre au monde. C’est du moins l’analyse de ces neuroscientifiques de l'Université de Pennsylvanie qui affirment que le moteur principal de cette chute des taux de fécondité pourrait bien être le désespoir, et en particulier celui qui découle des inégalités croissantes et de l'incertitude économique.
Cet article de perspective, publié dans la revue Nature Mental Health, qui analyse ce phénomène comme l'un des signes, parmi d’autres, d’une vaste déconnexion sociale, appelle à une restructuration socio-économique approfondie pour réduire les inégalités et restaurer tous les aspects vitaux de la vie sociale.
Les chercheurs, Michael Platt et Peter Sterling, biologistes à la Penn, rappellent une loi fondamentale de la biologie :
toute espèce incapable de maintenir sa population risque de disparaître.
Aux États-Unis, alors que les taux de natalité sont tombés en dessous des niveaux de remplacement depuis maintenant 50 ans, les implications de cette situation sont considérables et, sans intervention, pourraient se répercuter sur l’ensemble des économies, des sociétés et des générations à venir.
Le signe d’une société désespérée ?
Sur la même période, la mortalité par suicide, excès d’alcool et overdose de drogue n’a cessé d’augmenter, suggérant une propension croissante au « désespoir ». L’augmentation des maladies cardiovasculaires et du diabète, causée par « les aliments du désespoir » ou la junk food compensatrice et addictive, et le manque d’interaction sociale ont conduit ces chercheurs à faire l’hypothèse d’un lien fort entre ce désespoir et cette insécurité croissante, et la baisse de fécondité.
Les préoccupations liées à une société vieillissante : la baisse de la fécondité et le « non-renouvellement » des populations pose en effet la question du « prendre soin » de notre population vieillissante et du financement de ce soutien. Mais aussi la question, avec moins de jeunes, des innovations majeures pour lutter contre les défis existentiels comme le changement climatique.
Des facteurs, des solutions ? Les interventions de type subventions, visant à encourager la natalité n’ont qu’un effet plutôt faible et bref. Elles ne parviennent plus aujourd’hui à surmonter ce désespoir qui augmente justement le plus chez les personnes jeunes en âge de procréer. De plus, ces jeunes de plus en plus nombreux « qui n’ont plus l’envie de vivre » ou qui ont recours à des pratiques à risque comme la consommation de substances, ou d’aliments gras, au secours de leur humeur sont autant de personnes qui n’envisagent pas d’élever un enfant.
Les perspectives économiques négatives pourraient être un facteur majeur, et les réseaux sociaux aussi, qui exacerbent cette dynamique négative et renforcent l’idée d’inégalité. Le télétravail, qui réduit les interactions sociales est également pointé du doigt : plus de 25 % des travailleurs à distance déclarent se sentir seuls. Les jeunes adorent travailler à domicile, mais ce manque de contact dans le monde réel pourrait être un contributeur majeur à ce désespoir croissant et finalement au déclin de l'intérêt, du souhait et des opportunités de rencontrer un partenaire et d'avoir des enfants.
Les auteurs concluent à l’inefficacité d’ajustements mineurs tels que des subventions maternelles et davantage de structures d’accueil pour les enfants. Ils appellent à une restructuration socio-économique profonde visant à réduire les inégalités, à restaurer la vie sociale et à redonner d'urgence aux jeunes des perspectives.
Source: Nature Mental Health 3 May, 2024 DOI:10.1038/s44220-024-00241-1 Declining human fertility and the epidemic of despair
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