Ces médecins et infectiologues de l’University of Notre Dame (Indiana) viennent d’identifier un nouveau facteur qui augmente le risque d’infections des voies urinaires (UTI) et de septicémie associées aux cathéters. La recherche, publiée dans la revue Nature Communications, va permettre de détecter les patients les plus à risque de ces complications et de mettre en œuvre la surveillance et les mesures de prévention appropriées.
Les cathéters urinaires sont nécessaires pour de nombreuses interventions chirurgicales. Cependant, un défi majeur les soignants et les professionnels de santé consiste à prédire quels sont les patients les plus vulnérables à ces infections des voies urinaires associées au cathéter (CAUTI) et chez qui ces infections entraînent même le risque de décès.
Identifier le risque de CAUTI
L’étude identifie un marqueur de susceptibilité à la CAUTI : les déficits fibrinolytiques, ou des conditions provoquant une suractivation de la protéine fibrine s’avèrent en effet associé à un risque accru de développer des CAUTI graves et persistantes. Ces mêmes facteurs sont associés au risque de de septicémie.
La fibrine est essentielle à la formation de caillots sanguins lorsque le corps tente de réparer des blessures. En cas de blessure, le corps fait en effet appel à un processus qui utilise
la fibrine pour réparer la plaie,
créant ainsi une structure fibreuse pour éviter les saignements pendant le processus de cicatrisation.
L’équipe menée par Ana Lidia Flores-Mireles, professeur de biologie à Notre Dame, décrypte ici comment ce processus de cicatrisation, peut, dans certaines conditions, favoriser l’infection lors du cathétérisme urinaire. La recherche, menée chez l’animal, modèle de « cathétérisme », montre que :
- un cathéter urinaire frotte constamment contre le tissu de la vessie, provoquant une inflammation continue et des dommages mécaniques ;
- le corps active la réparation de la vessie endommagée en recrutant la protéine fibrinogène dans le sang ;
- le fibrinogène se transforme en fibrine, entraînant la formation de structures en forme de filet qui s’accumulent là où les agents pathogènes vont se coloniser et favoriser une infection chronique ;
- plus le corps crée de « filets » de fibrine, plus le modèle est sensible à cette colonisation pathogène et plus le fibrinogène est présent dans le système circulatoire ;
- au fur et à mesure que la quantité de fibrinogène ou de fibrine augmente dans la circulation sanguine, plus le risque de CAUTI s’élève et est susceptible de se propager à d’autres organes et tissus (septicémie) ;
- cependant, lorsque les chercheurs bloquent le recrutement ou l’accumulation du fibrinogène, cela réduit considérablement l’incidence des CAUTI, car les agents pathogènes ont en effet besoin de la structure en forme de filet de fibrine pour survivre et persister.
En conclusion, la recherche suggère que les patients cathétérisés recevant des médicaments antifibrinolytiques pourraient courir un risque plus élevé de CAUTI. Les médicaments antifibrinolytiques sont souvent utilisés pour traiter les hémorragies du post-partum, les blessures traumatiques et d’autres interventions chirurgicales, qui peuvent toutes nécessiter des cathéters lors du traitement.
Ces données vont permettre de mieux prévenir et gérer les CAUTI humaines, notamment en raison du manque actuel de consensus sur les meilleures pratiques pour les traiter : « notre recherche apporte de nouvelles données clés permettant d’ajuster les protocoles de cathétérisme urinaire dans les établissements de soins de santé et les unités de soins intensifs, ce qui permettra de réduire le risque de complications ».
L’équipe développe actuellement un nouveau cathéter qui minimise l’inflammation et les dommages mécaniques causés par les cathéters classiques, en empêchant notamment la formation de structures de fibrine et la colonisation par les agents pathogènes.
Source: Nature Communications 27 May, 2024 DOI : 10.1038/s41467-024-46974-6 Fibrinolytic-deficiencies predispose hosts to septicemia from a catheter-associated UTI
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