L’insuffisance cardiaque récurrente entraîne l’accumulation d’un stress dans les cellules souches hématopoïétiques formant l’immunité, révèle cette recherche de cardiologues et de biologistes de l’Université de Tokyo. La recherche, publiée dans la revue Science Immunology, montre que le corps se souvient du stress lié à l’insuffisance cardiaque, ce qui favorise des défaillances récurrentes, ainsi que d’autres problèmes de santé.
Un mode de vie plus sain fait partie des objectifs mondiaux de développement durable des Nations Unies. Point positif, une étude récente montre que l’espérance de vie dans le monde devrait augmenter d’environ 4,5 ans d’ici 2050. Cela est dû en grande partie aux efforts de santé publique visant à prévenir et à traiter les maladies chroniques, dont les troubles cardiovasculaires. Cependant, les maladies cardiaques restent la principale cause de décès dans le monde, avec 26 millions de personnes touchées par l’insuffisance cardiaque.
Une fois l’insuffisance cardiaque survenue, elle a tendance à réapparaître simultanément avec d’autres problèmes de santé, tels que des troubles rénaux et musculaires. L’équipe japonaise a donc cherché à comprendre les causes de ces récidives et des atteintes d’autres organes, et à regarder s’il était possible de les éviter.
L’auteur principal, le Dr Katsuhito Fujiu, chercheur à l’Université de Tokyo rappelle de précédentes recherches de son équipe, ayant suggéré « l’hypothèse que la récidive pourrait être provoquée par le stress ressenti au cours de l’insuffisance cardiaque, un stress qui pourrait atteindre les cellules souches hématopoïétiques ».
Les cellules souches hématopoïétiques se trouvent dans la moelle osseuse et sont la source de cellules sanguines et d’un type de cellule immunitaire appelée macrophages, qui aident à protéger la santé cardiaque. Les chercheurs documentent ici cette « mémoire du stress » matérialisée sous la forme de modifications de l’ADN des cellules souches hématopoïétiques. Les cellules immunitaires macrophages jouent un rôle important dans la protection de la santé cardiaque. Cependant, une voie de signalisation clé appelée facteur de croissance transformant bêta (TGF-β), dans les cellules souches hématopoïétiques, se trouve supprimée pendant l’insuffisance cardiaque, ce qui affecte négativement la production de macrophages.
L’étude a consisté à greffer de la moelle osseuse de souris souffrant d’insuffisance cardiaque chez des souris en bonne santé. L’expérience révèle, par échocardiogramme, que :
- cette transplantation entraîne un dysfonctionnement cardiaque caractéristique de l’insuffisance cardiaque, avec donc un dérèglement des mouvements et une taille accrue du cœur ;
- les scientifiques observent chez des souris modèles d’insuffisance cardiaque, les preuves d’une empreinte de stress sur l’épigénome, c’est-à-dire que des modifications chimiques se sont produites dans l’ADN de ces souris ;
- cette voie de signalisation importante, TGF-β, impliquée dans la régulation de nombreux processus cellulaires, est supprimée dans les cellules souches hématopoïétiques de ces souris souffrant d’insuffisance cardiaque, ce qui conduit à la production de cellules immunitaires dysfonctionnelles ;
- ce changement perdure pendant une période prolongée : une fois l’insuffisance cardiaque installée, les cellules souches continuent à produire des cellules immunitaires dysfonctionnelles. Ces souris souffrent de lésions organiques.
« Nous avons appelé ce phénomène « mémoire du stress », car le stress provoqué par l’insuffisance cardiaque est mémorisé pendant une période prolongée et continue d’affecter l’ensemble du corps. Bien que divers autres types de stress puissent également imprimer cette mémoire du stress, nous pensons que le stress induit par l’insuffisance cardiaque est particulièrement puissant ».
Quelles implications ? Prises ensemble, ces observations suggèrent que l’amélioration des niveaux de TGF-β pourrait constituer une nouvelle option de traitement de l’insuffisance cardiaque récurrente. Détecter la « mémoire du stress » pourrait constituer un système d’alerte précoce du risque d’événement cardiaque. Les chercheurs en apportent ici une première preuve de concept : « chez les animaux souffrant d’insuffisance cardiaque, il a été démontré que la supplémentation en TGF-β actif supplémentaire constitue un traitement prometteur, qui corrige l’épigénome des cellules souches hématopoïétiques et pourrait épuiser cette mémoire du stress ».
L’équipe travaille désormais à développer un système capable de détecter et de prévenir l’accumulation de mémoire du stress chez l’Homme, avec pour objectif à long terme de pouvoir non seulement prévenir la récidive de l’insuffisance cardiaque, mais également détecter la condition dès son apparition.
Source: Science Immunology 24 May, 2024 DOI: 10.1126/sciimmunol.ade3814 Heart failure promotes multimorbidity through innate immune memory
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