Il faut prendre ces conclusions avec précaution, cependant cette relation entre les comportements alimentaires à l’enfance et plus tard dans la vie est bien démontrée par cette étude de chercheurs de l’University College London (UCL) et de l’Université Erasmus (Rotterdam) : un appétit intense pendant l’enfance est lié à des symptômes ultérieurs de troubles du comportement alimentaire (TCA). Une association décrite dans le Lancet Child & Adolescent Health, qui incite pédiatres et parents à prêter attention à ce signe parfois prédictif.
Une réponse trop enthousiaste ou empressée à la nourriture par le petit enfant devrait être remarquée et inciter à surveiller un éventuel développement de TCA à l’adolescence ou plus tard dans la vie, note l’un des auteurs principaux, le Dr Ivonne Derks : « Bien que notre étude ne démontre pas la relation de cause à effet, nos résultats suggèrent que la réactivité aux signaux alimentaires constitue un facteur de risque ou de prédisposition à l’apparition de symptômes de TCA à l’adolescence. Cependant, dans d’autres cas, cette réactivité à la nourriture est un comportement normal et courant qui doit juste être surveillé ».
La « réactivité » alimentaire prédictive de TCA ?
L’étude analyse les données d’une enquête menée auprès de 3.670 jeunes participants portant sur les caractéristiques de l’appétit durant leur petite enfance puis sur les symptômes de TCA jusqu’à 10 ans plus tard. L’analyse révèle en effet que :
10 % des adolescents signalent des symptômes d’hyperphagie boulimique,
- 50 % rapportent au moins un comportement alimentaire visant à éviter la prise de poids, comme sauter un repas ;
- une « réactivité alimentaire » particulièrement élevée, définie comme l’envie de manger au moindre stimulus alimentaire et à l’âge de 4 ou 5 ans, est associée à une probabilité plus élevée de signaler une gamme de symptômes de TCA dès les âges de 12 à 14 ans ;
- un rythme alimentaire plus lent et une sensation de satiété plus rapide -soit une sensibilité élevée à la satiété- durant la petite enfance apparaissent des facteurs protecteurs contre le développement de certains symptômes de troubles alimentaires ;
une plus grande réactivité alimentaire est précisément associée à une augmentation de 16 à 47 % du risque de TCA,
- notamment de symptômes d’hyperphagie boulimique, de l’absence de contrôle de la prise alimentaire, du caractère émotionnel de l’alimentation, de la tendance à la restriction alimentation ou à des comportements alimentaires de compensation.
- l’augmentation de 47 % est observée pour l’hyperphagie boulimique, ce qui suggère que les adolescents avec forte réactivité alimentaire -telle qu’observée par les parents durant la petite enfance- sont pratiquement 3 fois plus susceptibles de souffrir d’hyperphagie boulimique ;
- l’augmentation de 16 % est observée pour la restriction alimentaire ;
- le caractère émotionnel de l’alimentation durant la petite enfance semble également prédire un risque accru de TCA à l’adolescence et, en particulier, à un risque plus élevé de comportements compensation destinés à éviter la prise de poids, comme sauter des repas, jeûner ou encore pratiquer l’exercice de manière excessive.
- Des signes alimentaires positifs ? Certaines caractéristiques de l’appétit semblent en effet protéger contre le développement ultérieur de troubles de l’alimentation :
- se sentir rassasié plus rapidement et plus longtemps prédit un meilleur contrôle de la prise alimentaire, plus tard dans la vie et donc, un risque réduit de comportement alimentaire de compensation ;
- manger plus lentement chez le petit enfant, est également associé à un moindre risque de TCA plus tard dans la vie ;
- enfin, le plaisir de manger dans la petite enfance n’est pas particulièrement lié aux symptômes ultérieurs de TCA.
L’alimentation doit rester un plaisir.
« Bien que le rôle de l’appétit dans le développement de l’obésité soit étudié depuis de nombreuses décennies, notre étude est la première à examiner de manière exhaustive le rôle des caractéristiques de l’appétit à l’enfance, dans le développement des TCA à l’adolescence et plus tard dans la vie ».
Des résultats importants, en regard non seulement de la prévalence élevée de ces troubles mais aussi de la nécessité de les prendre en charge le plus tôt possible. Identifier les facteurs de risque au début de la vie permet en effet de mettre en œuvre des stratégies de prévention. Le rôle des stimuli environnementaux est notamment bien démontré dans le développement des troubles de l’alimentation.
Source: The Lancet Child & Adolescent Health 20 Feb, 2024 DOI: 10.1016/S2352-4642(23)00342-5 Early childhood appetitive traits and eating disorder symptoms in adolescence: a 10-year longitudinal follow-up study in the Netherlands and the UK
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