Ce n’est pas la première étude à corréler le tabagisme avec des modifications épigénétiques, cependant, cette nouvelle recherche de la Keck School of Medicine de l’University of Southern California (USC) explore ce lien dans 6 groupes ethniques différents. Cette étude multi-ethnique sur le tabagisme et l’épigénétique, suggère, dans l’American Journal of Human Genetics, un outil de prédiction plus avancé des risques de maladies -dont de cancer- liés au tabagisme.
Le tabagisme modifie la façon dont les gènes sont exprimés, soit induit des modifications épigénétiques, ce qui contribue ensuite au développement de maladies liées au tabagisme, dont le cancer du poumon. Cependant ce lien entre l’épigénétique est fortement médié par la génétique elle-même qui dépend des origines ethniques.
La plupart des recherches sur le tabagisme et l’épigénétique n’ont porté que sur un ou 2 groupes ethniques à la fois.
L’auteur principal, le Dr Brian Huang, professeur de santé publique à la Keck School rappelle ainsi : « nous savons que le tabagisme affecte les gens différemment en fonction de leur origine ethnique, mais l’identification des signatures épigénétiques du tabagisme nous permettrait de mieux prédire ce risque de maladies ».
L’étude, soutenue par les National Institutes of Health (NIH) analyse le lien entre le tabagisme et la méthylation de l’ADN, un type spécifique de changement épigénétique qui peut modifier un certain nombre de processus biologiques, chez 2.728 participants, appartenant à 6 groupes ethniques distincts. Les chercheurs ont quantifié le tabagisme en calculant les équivalents nicotine totaux (TNE) des participants, une mesure biologique de l’absorption de nicotine qui mesure les niveaux de nicotine et de plusieurs autres métabolites de la fumée de cigarette avec un échantillon d’urine. Cela a permis un calcul plus précis de la dose de tabac par rapport à la plupart des recherches- généralement basées sur des mesures autodéclarées. Cette analyse identifie :
- 408 marqueurs de méthylation de l’ADN (ou « sites CpG ») liés au tabagisme ;
- dont 45 nouveaux sites qui n’avaient jamais été identifiés ;
dont 2 différent selon le groupe ethnique d’appartenance,
- un site sur le gène CYTH1 ne montre des changements que chez les fumeurs Afro-Américains; un autre site sur MYO1G est fortement lié aux changements épigénétiques chez les fumeurs hispaniques vs d’autres groupes ethniques ;
- ces gènes s’avèrent également liés à la progression du cancer et à d’autres processus pathologiques.
« Cette analyse apporte des données supplémentaires sur le mécanisme par lequel le tabagisme peut affecter la santé et de manière spécifique selon les groupes de population. Elle va nous permettre une meilleure prédiction, une détection précoce et un traitement mieux personnalisé des affections liées au tabagisme ».
Ces nouvelles découvertes peuvent contribuer à expliquer les différences d’incidence déjà observées de maladies liées au tabagisme, comme le cancer, selon les groupes de population. En effet, une analyse supplémentaire des données de méthylation de l’ADN de 2 autres groupes de participants : 340 personnes dans l’étude sur la santé chinoise de Singapour et 394 personnes dans l’étude de cohorte communautaire du Sud permet d’identifier bon nombre des mêmes sites trouvés dans l’étude de cohorte multiethnique initiale.
On retiendra que la méthylation de l’ADN agit, mais différemment selon l’origine ethnique, comme médiateur entre le tabagisme et le cancer du poumon.
Source: American Journal of Human Genetics 16 Feb, 2024 DOI: 10.1016/j.ajhg.2024.01.012 Epigenome-wide association study of total nicotine equivalents in multiethnic current smokers from three prospective cohorts
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