La phagothérapie ou l’utilisation de virus bactériophages ou « phages » capables d’infecter et de se reproduire dans les bactéries, en particulier dans les bactéries résistantes aux antibiotiques s’est avérée prometteuse contre les infections résistantes, dans de nombreuses études. Certaines équipes, comme cette équipe de l’Université de Pittsburgh tentent « d’allier ces phages aux antibiotiques ». Ces bactério et infectiologues présentent dans la revue mBio, une nouvelle étude de cas, celui d’une bactérie résistante aux médicaments qui répond à une thérapie combinée phage-antibiotique.
L’auteur principal, Daria Van Tyne, professeur de maladies infectieuses à l’Université de Pittsburgh rappelle ce défi insoluble qui consiste à pouvoir tenir à distance l’infection sanguine bactérienne récurrente et résistante aux médicaments, -lorsque donc les antibiotiques ne sont plus efficaces.
La phagothérapie qui constitue une alternative aux antibiotiques fait progressivement ses preuves au fil des études, contre certaines bactéries. Les bactériophages ou « phages » sont des virus qui ciblent et infectent les bactéries, ce qui, en effet les tue au fur et à mesure de leur réplication. Différents phages ciblent différentes bactéries et peuvent être si sélectifs qu’ils ciblent uniquement une souche spécifique d’une bactérie, n’infectent pas d’autres bactéries -dont les « bonnes » bactéries- et n’endommagent pas non plus les cellules humaines. Les phages sont abondants et peuvent être trouvés partout, dans l’eau, les sols et même le corps humain. Les eaux usées constituent une source courante utilisée par les chercheurs pour isoler de nouveaux phages.
Combiner la phagothérapie à l’antibiothérapie
L’étude de cas, qui a nécessité l’approbation d’urgence d’un nouveau médicament expérimental de la part de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, est l’une des rares à avoir utilisé la phagothérapie pour traiter l’infection à E. faecium.
La patiente, une femme de 57 ans avec antécédents médicaux complexes et une maladie auto-immune nécessitant une immunosuppression avait été colonisée au niveau de l’intestin une infection qui s’est ensuite propagé dans le sang. La souche bactérienne Enterococcus faecium responsable de cette infection récurrente ne répondait plus aux antibiotiques disponibles. La patiente et sa famille, ont accepté d’essayer un traitement expérimental qui utilise ces virus bactériophages, pour tuer les bactéries responsables de son infection résistante aux antibiotiques.
Les scientifiques ont testé les eaux usées pour trouver un virus bactériophage capable de cibler spécifiquement la souche résistante. Des collègues de l’Université du Colorado ont finalement identifié un phage qui ciblait sa souche bactérienne et l’ont envoyé à Pittsburgh où le phage a été cultivé et préparé, puis administré au patient avec des antibiotiques.
La phagothérapie combinée aux antibiotiques a si bien fonctionné que la patiente a pu quitter l’hôpital pour des vacances très attendues avec sa famille.
« La rapidité avec laquelle cela a fonctionné nous a même choqués »,
relate l’auteur principal, « bien sûr, c’est ce que nous espérions. Mais la réponse du patient a été bien au-delà de ce à quoi nous nous attendions ».
La phagothérapie quand l’antibiothérapie ne fonctionne plus ? Les médecins s’intéressent de plus en plus à la phagothérapie lorsque les autres traitements ne viennent pas à bout d’une infection bactérienne mortelle. Cependant, la phagothérapie n’est actuellement ni normalisée ni approuvée par les agences sanitaires, et n’est pas largement « cliniquement » disponible.
Plusieurs essais cliniques, menés notamment par cette équipe de la « Pitt » sont en cours pour confirmer son innocuité et son efficacité. Les phages attaquent les bactéries d’une manière différente de celle des antibiotiques. La phagothérapie pourrait donc être, en particulier en combinaison avec des antibiotiques, un outil puissant contre la menace toujours croissante de RAM et
ces données motivent un peu plus au lancement de nouveaux essais cliniques qui pourront rendre la phagothérapie plus largement accessible aux patients qui en ont besoin.
Source: mBio 14 fev, 2024 DOI: 10.1128/mbio.03396-23 Bacteriophage and antibiotic combination therapy for recurrent Enterococcus faecium bacteremia
Laisser un commentaire