Présenté par de récentes études comme une mesure de nature à permettre de réduire la progression et les symptômes d’Alzheimer, le jeune intermittent ou précisément le cycle de jeûne puis de réalimentation est décrit ici comme crucial pour un vieillissement en bonne santé. Les scientifiques du Max Planck Institute for Biology of Ageing (Cologne) décryptent ici dans la revue Nature Aging et chez le…poisson modèle, les voies médiées par ce cycle de jeûne et de réalimentation et qui pourraient conférer une meilleure santé et une durée de vie prolongée. Avec, à la clé, une protéine cible, y1, qui pourrait être la base de nouveaux médicaments pouvant favoriser le bien-vieillir.
Ce poisson modèle, c’est le killifish, un poisson au vieillement très rapide, les couleurs vives marqueurs de sa jeunesse s’estompent en effet en quelques mois seulement. Ce poisson se révèle un modèle d’étude adapté de l’effet « longévité en bonne santé » des interventions basées sur le jeûne, qui impliquent une alternance de périodes de jeûne et de réalimentation (jeûne intermittent). Si ces interventions sont bien documentées pour leurs bienfaits pour la santé, les voies et les mécanismes sous-jacents qui permettent ces bénéfices restent mal compris.
L’étude révèle que :
- les poissons plus âgés s’écartent du cycle régulier de jeûne et d’alimentation suivi au cours de la jeunesse et entrent plutôt dans un état de jeûne perpétuel ;
- la réalimentation après cet état de jeûne du killifish âgé peut apporter des bénéfices, mas à condition d’activer génétiquement une voie spécifique de l’AMP kinase, un capteur important de l’énergie cellulaire ;
- cette activation, chez des poissons donc mutants, leur apporte une santé et une longévité améliorées, ce qui suggère que
le jeûne prolongé puis la réalimentation permettent d’apporter ces bienfaits pour la santé.
L’alternance entre jeûne et alimentation est cruciale
Les scientifiques montrent que le métabolisme énergétique vieillissant est associé à une incapacité des vieux poissons de répondre à la phase d’alimentation, ce quimet leurs tissus adipeux comme dans un état de jeûne permanent : la production de protéines est réduite et les tissus ne se renouvellent pas. Ainsi, « ces vieux poissons restent dans un état de jeûne permanent, même lorsqu’ils sont nourris », explique l’un des auteurs principaux, Adam Antebi, expert en biologie du vieillissement à l’Institut Max Planck. En d’autres termes, ils ne bénéficient plus des protéines et des nutriments apportés par l’alimentation ;
- l’examen des différences entre les tissus adipeux des vieux poissons et des tissus adipeux des poissons plus jeunes révèle le rôle clé d’une protéine spécifique appelée AMP kinase : cette kinase est un capteur d’énergie cellulaire, composée de différentes sous-unités et l’activité d’une de ses sous-unités, γ1, diminue avec l’âge ;
- la restauration de l’activité de cette sous-unité grâce à une modification génétique, permet de relancer le métabolisme des vieux poissons qui recouvrent une meilleure santé et bénéficient d’une durée de vie prolongée ;
- il existe un lien entre la sous-unité γ1 et le vieillissement humain : des niveaux significativement inférieurs de y1 sont mesurés dans des échantillons provenant de patients âgés ;
- il est démontré dans les échantillons humains que moins une personne est fragile à un âge avancé, plus le niveau de la sous-unité γ1 est élevé.
« Nous ne savons pas encore si chez l’Homme, γ1 est réellement responsable d’un vieillissement plus sain. Mais nous travaillons déjà sur des molécules qui activent précisément cette sous-unité et les testerons ensuite pour vérifier que ces molécules influencent positivement le vieillissement ».
Source: Nature Aging 13 Nov, 2023 DOI: 10.1038/s43587-023-00521-y Refeeding-associated AMPKγ1 complex activity is a hallmark of health and longevity