Cette équipe de pédiatres, de néonatalogiste et de nutritionnistes de l’Université de Linköping (Suède) révèle ici comment des nourrissons extrêmement prématurés, parce qu’extrêmement fragiles, peuvent contribuer à orienter de manière sensible les soins de santé, pour tous les bébés. En particulier, en matière de nutrition : les grands prématurés ont besoin d’un enrichissement en complément du lait maternel, mais cet enrichissement doit-il être à base de lait maternel ou de lait de vache ? Quel est l’impact de ces compositions sur le risque de complications néonatales ? Cette vaste étude clinique, publiée dans la revue eClinicalMedicine, apporte de premiers éléments de réponse.
Les nourrissons nés extrêmement prématurément, entre la 22e et la 27e semaine de grossesse, comptent parmi les patients les plus vulnérables en matière de soins de santé. Le risque de complications graves est extrêmement élevé. Près d’un bébé grand prématuré sur 4 meurt avant l’âge d’1 an.
Il existe de nombreuses preuves en faveur de l’administration de lait maternel à ces bébés prématurés
plutôt que de préparations à base de lait de vache. Il est connu que les préparations à base de lait de vache augmentent le risque de développer, par exemple, une inflammation intestinale grave et une septicémie (infection grave transmise par le sang). En Suède, lieu de l’étude, tous les nourrissons grands prématurés reçoivent du lait maternel de leur mère ou du lait maternel donné. Malgré cela, près d’1 bébé prématuré sur 10 va développer une inflammation grave de l’intestin appelée entérocolite nécrosante. « 3 enfants sur 10 en meurent et ceux qui survivent ont souvent des problèmes neurologiques par la suite », précise l’un des auteurs principaux, le DrThomas Abrahamsson, professeur à l’université de Linköping et chef du service néonatal de l’hôpital universitaire de Linköping.
Peu d’études ont été menées sur les nourrissons grands prématurés avec une comparaison des différents protocoles de soins apportés. Il existe donc un grand besoin de preuves scientifiques sur les meilleures pratiques permettant d’offrir à ces enfants les meilleures chances de survie et de santé plus tard dans la vie.
Quel complément nutritionnel, quel enrichissement ? Pour que ces grands prématurés grandissent le mieux possible, il est nécessaire de leur apporter de nutriments que le lait maternel en contient. C’est pourquoi, les pédiatres et les professionnels de santé complètent le lait maternel par un supplément protéiné, ou enrichissement.
L’enrichissement était auparavant réalisé à partir de lait de vache. Mais certains soupçonnent que l’enrichissement du lait de vache augmente le risque de complications graves. Il existe aujourd’hui un enrichissement basé sur le lait maternel donné et utilisé dans certains services de néonatalité de certaines régions. Cet enrichissement à base de lait maternel donné peut-il réduire le risque de complications chez ces nourrissons ?
L’étude, appelée N-Forte (the Nordic study on human milk fortification in extremely preterm infants), la plus vaste jamais réalisée sur le sujet, est menée auprès de 228 nourrissons extrêmement prématurés, répartis au hasard en 2 groupes de taille égale pour recevoir respectivement un enrichissement à base de lait maternel et de lait de vache. Les chercheurs ont examiné si les deux groupes différaient en termes d’incidence d’entérocolite nécrosante, de septicémie et de décès. L’analyse révèle que :
- parmi les enfants traités avec un enrichissement à base de lait maternel, 35,7 % ont présenté ces complications ;
- la proportion correspondante était de 34,5 % dans le groupe ayant reçu un enrichissement à base de lait de vache, ce qui traduit une absence de différence entre les groupes ;
- il n’est donc pas déterminant que les nourrissons grands prématurés reçoivent un enrichissement à base de lait de vache ou à partir de lait maternel donné ;
- aucun autre effet positif de l’enrichissement à base de lait maternel n’est observé, vs à base de lait de vache.
Cette étude vaste et bien menée « permet désormais d’affirmer avec une grande certitude que la base de lait maternel donné ou lait de vache n’induit pas d’effet particulier sur ce groupe de patients hyper-vulnérables », confirme le Dr Thomas Abrahamsson. De plus, ces résultats concordent avec ceux d’une étude plus petite menée au Canada en 2018.
Des résultats utiles enfin, pour la nutrition de tous les bébés prématurés.
Source: EClinicalMedicine 2 Jan, 2024 DOI: 10.1016/j.eclinm.2023.102375 Effect of human milk-based fortification in extremely preterm infants fed exclusively with breast milk: a randomized controlled trial
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