Cette équipe de nutritionnistes de l’Université de Californie – Riverside rappelle pourquoi, avec l’arrêt du tabac, la pratique de l’exercice et de la méditation, « manger moins gras » devrait être l’une des résolutions de la Nouvelle Année. Alors que de multiples études ont montré que les acides gras saturés nuisent à la santé métabolique et cardiovasculaire, cette nouvelle recherche, publiée dans les Scientific Reports, montre que les régimes trop riches en graisses affectent les gènes liés non seulement à l’obésité, à certains cancers et aux MICI, mais aussi au système immunitaire, aux fonctions cérébrales et très probablement au risque de COVID sévère.
Les études estiment que
les habitants des pays riches tirent près de 40 % de leurs apports caloriques des graisses.
Les auteurs précisent ici que si un peu de matières grasses est nécessaire dans l’alimentation, ces acides gras ne devraient pas excéder 10 à 15 % des apports quotidiens.
L’étude se démarque des précédentes recherches menées sur les effets d’un régime riche en graisses, en ce qu’elle reproduit chez la souris ces types de régimes occidentaux riches en graisses saturées : les animaux modèles ont été nourris avec 3 régimes différents sur une période de 24 semaines, dans lesquels au moins 40 % des calories provenaient des graisses. A l’issue de ces 24 semaines, les chercheurs ont examiné non seulement le microbiome, mais également les changements génétiques intervenus dans différentes parties de l’intestin. Les 3 régimes étaient les suivants :
- un régime à base de graisses saturées provenant de l’huile de noix de coco,
- un régime à base de graisse monoinsaturée provenant de l’huile de soja modifiée,
- un régime à base de graisses polyinsaturées provenant d’une huile de soja non modifiée.
L’analyse constate que par rapport à un régime témoin allégé en acides gras,
- les 3 groupes présentent des changements dans l’expression des gènes, le processus qui transforme l’information génétique en protéines ;
- un régime riche en graisses, même provenant d’une plante, induit également ce type de changements ;
- des changements majeurs dans les gènes liés au métabolisme des graisses et à la composition des bactéries intestinales : par exemple, les chercheurs observent une augmentation des E. coli pathogènes et une suppression des Bactéroïdes, une famille de bactéries qui contribue à protéger l’organisme contre les agents pathogènes ;
- des modifications dans les gènes régulant la susceptibilité aux maladies infectieuses : soit, une diminution de certains gènes de reconnaissance de formes, qui reconnaissent normalement les bactéries infectieuses ;
- des gènes de signalisation des cytokines qui contribuent normalement au contrôle de l’inflammation sont également réduits ;
- en d’autres termes, ces régimes altèrent les gènes du système immunitaire de l’hôte et créent également un environnement propice au développement des bactéries intestinales nocives ;
- ces 3 régimes riches en graisses augmentent l’expression de l’ACE2 et d’autres protéines utilisées par les protéines de pointe du virus COVID pour pénétrer dans l’organisme et l’infecter ;
- ces 3 régimes riches en graisses augmentent les cellules souches dans le côlon qui peuvent constituer un précurseur du cancer.
Et l’huile de soja ? La même équipe avait déjà effectué des recherches sur le lien entre l’huile de soja et l’obésité et le diabète, 2 facteurs de risque majeurs maintenant bien documentés de COVID. La nouvelle recherche révèle que :
- les changements négatifs observés dans le microbiome apparaissent de manière plus prononcée chez les souris nourries avec un régime à base d’huile de soja.
- A noter, en 2015, l’équipe avait montré que l’huile de soja induit l’obésité, le diabète, la résistance à l’insuline et la stéatose hépatique chez la souris. En 2020, l’équipe avait montré que la même huile pouvait également affecter les gènes du cerveau liés à des maladies comme l’autisme, la maladie d’Alzheimer, l’anxiété et la dépression.
- les auteurs précisent que ces effets s’appliquent uniquement à l’huile de soja et non aux autres produits à base de soja, au tofu ou au soja lui-même.
Et l’huile de coco ? En termes de puissance d’effets sur l’expression des gènes, l’huile de coco est celle qui induit le plus grand nombre de changements, suivie par l’huile de soja non modifiée. Les différences entre les 2 huiles de soja suggèrent que les acides gras polyinsaturés présents dans l’huile de soja non modifiée, principalement l’acide linoléique, jouent un rôle dans la modification de l’expression des gènes.
Alors que les humains et les souris partagent 97,5 % de leur ADN fonctionnel, même si ces résultats doivent être validés chez l’Homme, ils sont préoccupants, car la prévalence des régimes riches en graisse ne cesse d’augmenter dans le monde et l’huile de soja est l’une des huiles les plus consommées dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, au Brésil, en Chine et en Inde.
Source: Scientific Reports 27 Dec, 2023 DOI: 10.1038/s41598-023-49555-7 Impact of various high fat diets on gene expression and the microbiome across the mouse intestines