Quelle est l’efficacité des médicaments opioïdes contre la douleur cancéreuse ? Cet examen mené à l’Université de Sydney des effets des médicaments opioïdes contre la douleur liée au cancer remet en question leur intérêt dans cette indication. Des conclusions publiées dans le CA A Cancer Journal for Clinicians qui appellent les médecins à une prescription plus personnalisée des analgésiques contre les douleurs cancéreuses.
Les analgésiques opioïdes constituent le traitement le plus courant pour la gestion de la douleur cancéreuse. De nombreuses directives internationales, y compris celles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), recommandent la prescription d’opioïdes pour gérer la douleur cancéreuse de fond (douleur constante et chronique) et les accès douloureux paroxystiques cancéreux (poussées temporaires et aiguës de douleur en plus de la douleur de fond).
Cet examen des données publiées sur l’efficacité des opioïdes contre la douleur causée par le cancer révèle des lacunes étonnamment importantes dans les preuves concernant les véritables avantages de ces médicaments contre ce type de douleur.
« Les opioïdes ne sont pas toujours les analgésiques les plus puissants »
L’étude souligne en effet qu’il n’existe :
- pas d’approche thérapeutique unique pour la douleur cancéreuse,
- exhortant les professionnels de santé et les patients à évaluer soigneusement le « plan de gestion de la douleur » approprié. En effet, l’analyse de la littérature conclut à
- un nombre extrêmement limité d’essais ayant comparé l’efficacité des médicaments opioïdes couramment utilisés, tels que la morphine, l’oxycodone et la méthadone, à un placebo ;
- l’absence de preuve convaincante ou fiable, que la morphine est plus efficace ou plus sûre que d’autres opioïdes pour le traitement des douleurs cancéreuses de fond, sauf en cas de soins de fin de vie ;
- si la morphine soit largement considérée par les médecins comme le « traitement de référence » pour les soins des cancers et recommandée dans de nombreuses directives cliniques internationales pour les douleurs cancéreuses modérées à sévères en raison de son faible coût et de son accessibilité, les preuves de son efficacité restent insuffisantes ;
- les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), notamment l’aspirine et le diclofénac, pourraient être au moins aussi efficaces que certains opioïdes pour soulager les douleurs de fond liées au cancer ;
- parmi les essais contrôlés par placebo, il existe néanmoins des preuves, mais de certitude modérée que le tapentadol (opioïde) est plus efficace que le placebo contre la douleur de fond causée par le cancer ;
- les opioïdes généralement considérés comme « plus faibles » (par exemple la codéine), ou les AINS tels que l’aspirine, le piroxicam, le kétorolac, le diclofénac et l’antidépresseur imipramine peuvent être tout aussi efficaces que les opioïdes « puissants » pour soulager les douleurs de fond liées au cancer, avec moins d’effets secondaires ;
- pour les accès douloureux paroxystiques liés au cancer, le fentanyl utilisé en spray nasal, sous la langue, entre la gencive et la joue, ou en spray oral, peut être plus efficace qu’un placebo (mais pas pour une utilisation régulière). Le fentanyl est cependant associé à davantage d’effets secondaires que le placebo ;
- il est possible que la morphine et d’autres opioïdes affectent la capacité de l’organisme à combattre le cancer. Des recherches sont nécessaires pour identifier les interactions négatives entre les opioïdes et les traitements anticancéreux ou le système immunitaire, afin de garantir que la gestion de la douleur n’ait pas d’impact négatif sur l’efficacité du traitement du cancer.
L’un des auteurs principaux, le Dr Christina Abdel Shaheed, chercheur à l’Université de Sydney commente ces conclusions : « le manque de données sur l’efficacité comparée des médicaments opioïdes vs placebo pour le traitement de la douleur cancéreuse est probablement lié aux défis éthiques et logistiques associés à la réalisation d’essais sur le sujet. Pourtant, ces essais sont indispensables pour guider la prise de décision clinique ».
En pratique, les opioïdes restent nécessaires pour soulager les douleurs et la détresse insurmontables en fin de vie. Ce qui mérite d’être souligné, c’est que
les non-opioïdes, en particulier les AINS, sont étonnamment efficaces contre certaines douleurs cancéreuses
et peuvent éviter les problèmes de dépendance et de diminution de l’analgésie opioïde au fil du temps.
Des recherches supplémentaires restent nécessaires, en particulier sur les interventions non médicamenteuses pour la gestion de la douleur cancéreuse.
Source: CA A Cancer Journal for Clinicians 18 Dec, 2023 DOI: 10.3322/caac.21823 Opioid analgesics for nociceptive cancer pain: A comprehensive review
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