Alors que les soins primaires représentent 4 à 5 % des émissions mondiales de carbone, de nombreuses organisations de santé ont appelé à la mise en œuvre d’actions de développement durable dans les soins de santé. Cependant, les mesures de développement durable en médecine générale sont rarement mises en place par les médecins. Plusieurs équipes de recherche et sociétés savantes travaillent à identifier les actions appropriées et réalisables.
La littérature suggère qu’il s’agit avant tout de trouver le bon équilibre entre l’impact environnemental et les contraintes liées à la qualité des soins. Intégrer la notion et l’exigence d’écoresponsabilité dans les soins suppose que les médecins généralistes déjà submergés par les tâches administratives, puissent s’engager dans des changements de routine. Réévaluer la consommation d’énergie du cabinet, repenser les prescriptions et la consommation de médicaments, veiller à la bonne gestion des achats mais également des déchets d’activités de soins à risques infectieux, repenser la prévention avant le traitement, cela implique une remise en question complète, chronophage et impliquante pour le médecin.
Préparer la nouvelle génération de médecins
L’acquisition de cette nouvelle discipline écoresponsable devrait débuter dès la formation médicale initiale, soutiennent certains experts. Si l’enseignement de la médecine générale en milieu universitaire demeure un défi. Ainsi, en Allemagne, des « GP learning stations » initient les étudiants aux compétences et aux qualités d’un médecin généraliste écoresponsable et ont fait leurs preuves dans la réduction des dépenses inutiles liées à la pratique générale tout en renforçant son attrait pour les étudiants.
Les premiers principes d’une pratique médicale respectueuse de l’environnement ont été jetés par llusieurs organisations de médecins généralistes, avec le double objectif de réduire l’empreinte carbone des soins primaires tout en améliorant la qualité des soins, en réduisant la charge de travail du médecin et les dépenses de santé. Quelques exemples reviennent : prescrire des déplacements à pied aux patients obèses, leur est bénéfique et réduit aussi la pollution de l’air. Réduire les prescriptions inappropriées et passer dans certains cas à des médecines alternatives à faible émission de carbone favorise aussi la santé durable.
La prescription pharmaceutique joue ici un rôle clé, alors que les études estiment qu’elle constitue entre 65 % et 90 % de l’empreinte carbone des services de santé. Les inhalateurs sont particulièrement nocifs pour l’environnement : chaque bouffée provoque à peu près autant de réchauffement que la conduite d’une voiture sur un kilomètre. Viennent ensuite les déplacements des patients -d’où le grand intérêt de la télémédecine-, puis la consommation énergétique du cabinet, l’utilisation de produits et de dispositifs de soins, la prescription de tests biologiques et d’examens d’imagerie, de papier et d’eau. Ainsi, l’empreinte carbone d’un test sanguin courant en CO2 équivalent (CO2e) est estimée comme comprise entre 0,5 et 116 g CO2e, soit l’équivalent de la conduite d’une voiture sur quelques centaines de mètres. Prescrire des tests sanguins non nécessaires est donc un gaspillage, tout comme d’ailleurs des examens radiologiques.
De bonnes pratiques médicales plus « eco friendly » ? Les changements de pratique médicale doivent s’opérer sur plusieurs fronts :
- la prescription : il s’agit de réduire les prescriptions inappropriées, de passer à des inhalateurs à faible émission de carbone et de conseiller, en première intention, lorsque c’est possible, des changements de mode de vie ; les médecins et professionnels de santé devraient pouvoir retrouver sur la notice de chaque médicament son bilan carbone ; en évitant les prescriptions de longue durée, décourager le patient à surstocker ses médicaments ;
- les protocoles de soins : opter pour un processus d’amélioration continue basé sur des check lists et sur les retours d’expériences ;
- l’énergie : opter plutôt pour des fournisseurs d’énergie verte ;
- les consommables : éviter les prescriptions excessives et le gaspillage pharmaceutique.
- les déchets : adhérer à un programme de recyclage et de valorisation via les pharmacies…
Avec le vieillissement des populations, la pression se fait plus forte sur les services de santé primaires et communautaires et leur empreinte carbone augmente simultanément sur la planète. Il est impératif que la médecine de proximité évolue vers une pratique et des cabinets médicaux plus éco-responsables.
Cela implique un soutien des médecins et des incitations de la part des services de l’État et des Autorités sanitaires.
Sources :
- Family Practice 2023 DOI : 10.1093/fampra/cmad031 Sustainable development in general practice
- BMC Medical Education 2021 DOI : 10.1186/s12909-021-03057-0 The “General practitioner learning stations”—development, implementation and optimization of an innovative format for sustainable teaching in general practice
- The British Medical Association 2023 Sustainable and environmentally friendly general practice
- Australian Journal of General Practice AJGP 2023 Sustainable general practice
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