L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré la résistance aux antimicrobiens (RAM) comme l’une des 10 principales menaces pour la santé publique mondiale. Chez les nouveau-nés, on estime que 3 millions de cas de sepsis surviennent chaque année dans le monde, avec jusqu’à 570.000 décès dont la majorité dus au manque d’antibiotiques efficaces contre les bactéries résistantes. Les antibiotiques contre les infections infantiles courantes deviennent ainsi de moins en moins efficaces et la RAM menace aujourd’hui la santé publique pédiatrique, alerte cette équipe d’infectiologues de l’Université de Sydney. De nouvelles données préoccupantes, publiées dans le Lancet Regional Health – Southeast Asia qui appellent à une mise à jour rapide des directives mondiales.
L’un des auteurs principaux, le Dr Phoebe Williams spécialiste des maladies infectieuses et qui travaille sur les moyens de réduire la résistance aux antimicrobiens, en particulier dans les pays à faible revenu, constate que les médicaments destinés à traiter les infections courantes chez les enfants et les bébés ne sont plus efficaces dans de nombreuses régions du monde. Or la RAM est plus problématique pour les enfants que pour les adultes, notamment parce que les enfants sont moins susceptibles d’avoir accès aux nouveaux antibiotiques.
L’étude menée à partir de l’Université de Sydney, qui a analysé 6.648 isolats bactériens provenant de 11 pays afin d’examiner la sensibilité aux antibiotiques pour les bactéries courantes provoquant des infections infantiles, révèle en effet que :
- de nombreux antibiotiques recommandés par l’OMS ne sont plus qu’efficaces à 50 % voire moins, dans le traitement des infections infantiles telles que la pneumonie, la septicémie (infections sanguines) et la méningite ;
le taux de l’antibiorésistance chez tous les enfants du monde est en croissance continue ;
- les régions les plus touchées se trouvent en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, notamment en Indonésie et aux Philippines où des milliers de décès d’enfants sont liés à la RAM chaque année ;
- les bactéries courantes responsables de la septicémie et de la méningite chez les enfants sont de plus en plus fréquemment résistantes aux antibiotiques prescrits ;
- un antibiotique en particulier, la ceftriaxone reste efficace pour traiter seulement 1 cas sur 3 de septicémie ou de méningite chez les nouveau-nés. La ceftriaxone est largement utilisée pour traiter de nombreuses infections chez les enfants, telles que la pneumonie et les infections des voies urinaires ;
- un autre antibiotique, la gentamicine, reste efficace pour seulement moins de la moitié des cas de sepsis et de méningite chez les enfants ; la gentamicine est couramment prescrite en combinaison avec les pénicillines, également peu efficaces dans la lutte contre les infections sanguines chez les bébés et les enfants.
Les directives mondiales actuelles, qui datent de 2013, sur l’usage des antibiotiques sont obsolètes et nécessitent une mise à jour : « La résistance aux antibiotiques augmente plus rapidement que nous ne le pensions. Nous avons besoin de toute urgence de nouvelles solutions pour mettre un terme aux infections invasives multirésistantes et aux décès inutiles de milliers d’enfants chaque année ».
Ainsi, ces infectiologues insistent aussi sur l’urgence de la recherche de nouveaux traitements antibiotiques pour les enfants et les nouveau-nés : « Les développements de nouveaux antibiotiques se concentrent sur les adultes et, trop souvent, sur les enfants et les nouveau-nés sont laissés de côté. Cela signifie que nous disposons d’options très limitées pour les patients les plus jeunes ».
Le repositionnement ou plutôt la réhabilitation d’anciens antimicrobiens ? L’équipe étudie actuellement un vieil antibiotique, la fosfomycine, pour le traitement des infections des voies urinaires multirésistantes chez l’Enfant.
En conclusion, ces travaux révèlent les lacunes importantes concernant la disponibilité d’antibiotiques efficaces pour traiter les infections graves chez les enfants et mettent en évidence l’importance de la surveillance de la RAM des infections pédiatriques, la recherche de nouveaux antimicrobiens adaptés aux enfants et la révision des directives de traitement.
Source: The Lancet Regional Health – Southeast Asia 31 Oct, 2023 DOI: 10.1016/j.lansea.2023.100291 Coverage gaps in empiric antibiotic regimens used to treat serious bacterial infections in neonates and children in Southeast Asia and the Pacific
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