Les interactions entre l’obésité, le diabète de type 2, les maladies rénales chroniques et les maladies cardiovasculaires sont à l’origine de ces nouvelles directives de l’American Heart Association (AHA), publiées dans la revue Circulation. Les liens étroits entre ces comorbidités fréquentes appellent en effet à redéfinir le risque, la prévention et la gestion des maladies cardiovasculaires. Au nombre desquelles, documenté pour la première fois, le syndrome cardio-rénal-métabolique (CRM), un nouveau syndrome, issu de ces comorbidités.
Ce syndrome CRM va du stade 0 en l’absence de facteur de risque et avec donc une orientation entièrement préventive, au stade 4, le stade qui correspond au risque de maladie cardiovasculaire le plus élevé et qui peut également inclure une insuffisance rénale. Ce nouvel Avis de l’AHA recommande l’utilisation d’un nouvel outil permettant de prédire le risque de crise cardiaque, d’accident vasculaire cérébral et/ou d’insuffisance cardiaque à 10 à 30 ans.
Dans cet avis, les experts en santé et maladie cardiovasculaire redéfinissent le risque, la prévention et la gestion des maladies cardiovasculaires (MCV), en prenant donc en compte les facteurs, signes et symptômes communs aux maladies cardiovasculaires et aux maladies rénales, diabète de type 2 et l’obésité. C’est la première fois que l’AHA définit le chevauchement de ces affections comme « syndrome cardio-rénal-métabolique (CRM) et suggère, preuves à l’appui, que
les patients qui souffrent ou présentent un risque de maladie cardiovasculaire peuvent aussi présenter un risque de CRM.
Dans cet avis, à chaque stade du CRM sont corrélés des protocoles de dépistage et de traitement spécifiques.
Sur le syndrome CRM
Selon la mise à jour statistique 2023 de l’AHA, 1 adulte (américain) sur 3 présente au moins 3 facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, de trouble métabolique et/ou de maladie rénale. Le CRM affecte presque tous les principaux organes du corps, notamment le cœur, le cerveau, les reins et le foie. Cependant, l’impact le plus important concerne le système cardiovasculaire, car le CRM affecte les vaisseaux sanguins et la fonction du muscle cardiaque, le taux d’accumulation de graisse dans les artères, les impulsions électriques dans le cœur et bien plus encore.
Le CRM est une conséquence de la prévalence historiquement élevée de l’obésité et du diabète de type 2 chez les adultes et les jeunes. Le diabète de type 2 et l’obésité sont des conditions métaboliques – le « M » de CRM –mais aussi des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires. De plus, la cause de décès la plus fréquente chez les personnes atteintes de diabète de type 2 et d’insuffisance rénale chronique est la maladie cardiovasculaire.
Quel traitement ? Il existe aujourd’hui des thérapies qui préviennent à la fois l’aggravation de la maladie rénale et de la maladie cardiaque », explique l’un des auteurs principaux, le Dr Chiadi E. Ndumele, professeur de médicine et chef de service Cardiologie de la Johns Hopkins University (Baltimore) : « Notre Avis précise aux professionnels de santé la feuille de route thérapeutique, ainsi qu’à la communauté médicale et au grand public les meilleures mesures de prévention et de contrôle du syndrome CRM ».
La coordination des soins s’impose pour le traitement des patients atteints du syndrome CRM : les professionnels des différentes spécialités devraient travailler ensemble pour traiter le patient dans sa globalité. Cela est tout aussi vrai pour le dépistage, qui devrait prendre en compte les facteurs sociaux de la santé, tels que l’insécurité nutritionnelle et la pratique de l’exercice, en tant que facteurs déterminants clés des soins optimaux du syndrome CRM.
Un autre article, publié en complément de l’Avis, résume les preuves de la littérature soutenant cette feuille de route de gestion du CRM. Ainsi, sur le dépistage du CRM on retiendra :
- l’intérêt d’une détection précoce des changements dans la santé cardiovasculaire, métabolique et rénale ;
- l’identification des obstacles sociaux et structurels aux soins ;
- les mesures pouvant prévenir la progression du syndrome CRM vers le stade suivant ;
- l’évaluation annuelle des enfants et des jeunes, notamment du poids corporel, de la tension artérielle et de la santé mentale et comportementale, et cela à partir de l’âge de 3 ans.
Description des principaux stades du syndrome CRM :
- Stade 0 : aucun facteur de risque. L’objectif à ce stade est de prévenir le syndrome en maintenant une santé idéale basée sur les recommandations Life’s Essential 8 de l’American Heart Association (alimentation saine, activité physique, bonnes habitudes de sommeil, « absence » de nicotine, maintien du poids de santé, de la tension artérielle, glycémie et du taux de cholestérol optimaux.
Dépistage des adultes au stade 0 tous les 3 à 5 ans (tension artérielle, triglycérides, cholestérol HDL et glycémie).
- Stade 1 : excès de graisse corporelle et/ou répartition malsaine de la graisse corporelle (obésité abdominale et/ou altération de la tolérance au glucose ou prédiabète). Proposition de changements de mode de vie (alimentation saine et activité physique régulière) et objectif de perte de poids d’au moins 5 %, traitement de l’intolérance au glucose si nécessaire.
Dépistage des adultes au stade 1 tous les 2 à 3 ans (tension artérielle, triglycérides, cholestérol et glycémie).
- Stade 2 : facteurs de risque métaboliques et maladie rénale. Le stade 2 inclut les personnes atteintes de diabète de type 2, d’hypertension artérielle, d’hypertriglycérides ou de maladie rénale, et indique un risque plus élevé d’aggravation de la maladie rénale et de la maladie cardiaque. L’objectif devient de s’attaquer aux facteurs de risque afin de prévenir la progression vers une maladie cardiovasculaire et une insuffisance rénale. Le traitement peut inclure des médicaments pour contrôler la tension artérielle, la glycémie et le cholestérol. Chez les personnes atteintes d’insuffisance rénale chronique et chez certaines personnes atteintes de diabète de type 2, il est conseillé d’utiliser des inhibiteurs du SGLT2 pour protéger la fonction rénale et réduire le risque d’insuffisance cardiaque. Il est également suggéré d’envisager des agonistes des récepteurs du GLP-1 chez les personnes atteintes de diabète de type 2 pour réduire l’hyperglycémie, faciliter la perte de poids et réduire le risque de maladie cardiovasculaire. D’autres thérapies visant à prévenir la détérioration de la fonction rénale sont également conseillées.
Dépistage des adultes au stade 2 par évaluation annuelle de la tension artérielle, des triglycérides, du cholestérol, de la glycémie et de la fonction rénale. Les patients présentant un risque accru d’insuffisance rénale après évaluation de la fonction rénale devraient bénéficier d’un dépistage rénal plus fréquent.
Stade 3 : maladie cardiovasculaire précoce sans symptômes avec facteurs de risque métaboliques ou maladie rénale ou risque élevé de maladie cardiovasculaire. L’objectif devient d’intensifier les efforts de prévention afin d’empêcher l’évolution vers une maladie cardiovasculaire symptomatique et une insuffisance rénale (médicaments et changements de mode de vie). L’évaluation du rétrécissement des artères est conseillée. Le traitement par statines peut être envisagé. Les résultats des tests indiquant une insuffisance cardiaque asymptomatique devraient conduire à un traitement intensifié pour prévenir les symptômes d’insuffisance cardiaque.
Dépistage personnalisé.
Stade 4 : maladie cardiovasculaire symptomatique chez les personnes présentant un excès de graisse corporelle, des facteurs de risque métaboliques ou une maladie rénale. Le syndrome de stade 4 est divisé en deux sous-catégories : sans et avec insuffisance rénale. À ce stade, les personnes peuvent avoir déjà eu une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral ou déjà souffrir d’insuffisance cardiaque. Ils peuvent également souffrir d’autres maladies cardiovasculaires telles qu’une maladie artérielle périphérique ou une fibrillation auriculaire. L’objectif des soins est un traitement individualisé des maladies cardiovasculaires en tenant compte des symptômes du syndrome CRM.
Dépistage personnalisé.
L’avis propose de mettre à jour le calculateur de risque pour inclure des mesures de la fonction rénale, du contrôle du diabète de type 2 et des déterminants sociaux de la santé pour une estimation plus complète des risques. Les évaluations de la fonction rénale comprennent une mesure de la capacité des reins à filtrer les déchets provenant des niveaux d’albumine dans le sang et l’urine, ainsi qu’une mesure de la capacité des reins à réabsorber les protéines. Les mesures de santé individuelles, en plus des données sociodémographiques, devraient permettre au calculateur de produire une estimation du risque total de maladie cardiovasculaire pour chaque patient.
En conclusion, la définition de ce syndrome « multiformes » induit des changements fondamentaux pour les professionnels de la santé, le système de santé et les patients. Investir dans la recherche sur le syndrome est une priorité : il s’agit de mieux comprendre les voies menant aux maladies cardiaques dans le syndrome, les facteurs de progression du syndrome CRM et l’exploitation optimale des thérapies dont nous disposons.
Sources :
- Circulation 9 Oct, 2023 DOI : 10.1161/CIR.0000000000001186 A Synopsis of the Evidence for the Science and Clinical Management of Cardiovascular-Kidney-Metabolic (CKM) Syndrome: A Scientific Statement From the American Heart Association
- Circulation 9 Oct, 2023 DOI: 10.1161/CIR.0000000000001184 Cardiovascular-Kidney-Metabolic Health: A Presidential Advisory From the American Heart Association
- Heart.org News 9 Oct, 2023 Heart disease risk, prevention and management redefined
Laisser un commentaire