De nombreuses recherches ont mis en exergue les effets négatifs pour la santé de la solitude et de l’isolement, notamment en raison d’une moindre surveillance de la santé globale, d’un mode de vie moins sain, d’une moindre observance en cas de traitement et d’un accès moins rapide aux soins en cas d’urgence. Cependant vivre seul devient un vrai défi pour les personnes âgées souffrant déjà de déclin cognitif, conclut cette équipe de gériatres de l’Université de Californie (UC)-San Francisco, qui parle d’un vrai « danger » et appelle à une restructuration des services et des équipes de santé pour suivre ces personnes à la fois seules et démentes.
On estime qu’environ 1 personne âgée sur 4 atteintes de démence ou de troubles cognitifs légers vit seule et est amenée à adopter des comportements dangereux, comme la conduite automobile non maîtrisée, l’errance à l’extérieur de la maison, les erreurs de prise de médicaments, la non-observance de rendez-vous médicaux importants. Alors qu’avec le vieillissement des populations, ce groupe de patients ne va faire qu’augmenter, nos systèmes de santé ne sont pas structurés pour les soutenir et les traiter.
Les chercheurs précisent qu’aux États-Unis, 79% des personnes âgées atteintes de déclin cognitif ont un revenu trop élevé pour être éligibles aux aides à domicile subventionnées par Medicaid dans les soins de longue durée. Les aides à domicile subventionnées plus nombreuses en Europe, au Japon et au Canada : la même équipe avait déjà montré via une revue de la littérature, couvrant 13 pays que l’accès aux soins était plus fluide dans d’autres pays, d’Europe notamment, qu’aux États-Unis.
Vivre seul est un déterminant social de santé majeur,
aussi négatif que la pauvreté, le racisme, un faible niveau d’études et…la démence, résume ici l’auteur principal, le Dr Elena Portacolone, chercheur à l’UCSF Institute for Health and Aging.
L’étude, qualitative, a interrogé 76 professionnels de santé, médecins, infirmières, assistants sociaux, aidants et aides à domicile. Ces participants avaient pratiqué au sein de cliniques de mémoire ou de service de longs séjours ou pour des services de soins à domicile ou des services sociaux. Parmi les préoccupations de ces professionnels quant au suivi des personnes âgées seules et démentes :
- de grandes inquiétudes sur le non-respect des rendez-vous médicaux ;
- l’absence fréquente de réponse aux appels téléphoniques de suivi du médecin ou du soignant ;
- l’oubli des motifs de consultations et des traitements en cours ;
- l’incapacité de renseigner le médecin sur des informations santé clés de leur dossier ;
- l’absence de contact d’urgence ou l’incapacité à le contacter ;
- et, bien sûr, l’absence de proche sur qui compter en cas d’urgence.
« Ces patients échappent totalement au radar du système de santé »,
écrivent les chercheurs : « Nous n’avons pas le personnel nécessaire pour les atteindre et les suivre ».
Ces patients restent ainsi à risque de problèmes médicaux non traités, d’autonégligence, de malnutrition et de chutes. Leurs appels aux services d’urgence sont parfois sans suite en raison soit de la pénurie de personnel ; soit de l’incompréhension de la demande. Ainsi, la plupart du temps,
- ces patients restent non-identifiés jusqu’à ce qu’ils soient envoyés à l’hôpital
- à la suite d’une urgence, en raison d’une chute ou une réaction à un médicament, par exemple.
Ces résultats qui mettent clairement « en accusation » les systèmes de santé, qui ne sont aujourd’hui pas suffisamment structurés pour offrir un accès adapté aux soins à ces patients à la fois âgés, seuls et déments, plaident pour une nouvelle organisation apportant un soutien social et sanitaire à ces personnes âgées amenées à vivre de plus en plus longtemps et souvent seules.
Source: JAMA Network Open 18 Aug, 2023 DOI : 10.1001/jamanetworkopen.2023.29913 Perceptions of the Role of Living Alone in Providing Services to Patients With Cognitive Impairment
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