Ces microbes intestinaux se nourrissent de taurine puis produisent un gaz toxique malodorant qui asphyxie les agents pathogènes. C’est le mécanisme documenté, dans la revue Nature Communications, par cette équipe de l’Université de Vienne, et qui révèle deux nouvelles cibles thérapeutiques possibles, la taurine et le sulfure d’hydrogène qui, en étouffant les mauvaises bactéries consommatrices d’oxygène apportent, à des niveaux raisonnables, des effets fascinants pour la santé.
L’étude se concentre sur la bactérie Taurinivorans muris qui exerce chez la souris, grâce à sa production de sulfure d’hydrogène, une fonction protectrice contre Klebsiella et Salmonella, 2 agents pathogènes redoutables. Plus largement, ces bactéries, comme Taurinivorans muris chez la souris et Bilophila wadsworthia chez l’Homme, qui consomment et dégradent la taurine, contribuent au rôle protecteur du microbiome intestinal dans la santé.
Des niveaux modestes de sulfure d’hydrogène permettent en effet d’asphyxier les mauvaises bactéries : ces bactéries qui se nourrissent de taurine contribuent donc aux niveaux de sulfure d’hydrogène, le gaz toxique responsable des pets et des flatulences. Cependant, l’étude suggère que
de petites quantités de sulfure d’hydrogène dans l’intestin seraient plutôt « une bonne chose »,
car le gaz est essentiel à un certain nombre de processus physiologiques et peut donc protéger contre certains agents pathogènes : Ainsi, les microbes producteurs de sulfure d’hydrogène dans l’intestin « étouffent » les agents pathogènes dépendants de l’oxygène tels que Klebsiella, et empêchent ainsi leur colonisation.
Des niveaux excessifs de sulfure d’hydrogène peuvent en revanche avoir des effets négatifs, dont l’inflammation et des lésions de la muqueuse intestinale. Il s’agit donc de décrypter aussi les processus qui produisent ce gaz nocif dans notre intestin pour trouver de nouvelles interventions thérapeutiques, par exemple contre les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI).
L’étude est donc menée sur la bactérie Taurinivorans muris, l’un des microbes qui utilise le plus de taurine chez la souris. Les chercheurs ont identifié ce nouveau genre de bactéries productrices de sulfure d’hydrogène dans l’intestin de la souris et ont constaté que la bactérie consomme beaucoup de taurine. La taurine est un acide aminé semi-essentiel, que nous synthétisons en petites quantités dans notre foie mais dont l’apport principal provient de notre alimentation (viande, produits laitiers et fruits de mer).
Taurine, sulfure d’hydrogène et santé : comme le sulfure d’hydrogène, la taurine est impliquée dans une multitude de processus physiologiques. De récentes études ont ainsi établi un lien entre la taurine et le vieillissement en bonne santé. La découverte d’un nouveau microbe intestinal qui se nourrit exclusivement de taurine pourrait donc aider les scientifiques à comprendre comment ces microbes intestinaux interviennent dans la santé animale et humaine.
Comment ces bactéries se procurent la taurine nécessaire : pour accéder à suffisamment de taurine dans l’intestin, la bactérie Taurinivorans muris monopolise l’aide d’autres microbes intestinaux pour la libérer des acides biliaires. Les acides biliaires contenant de la taurine sont produits dans le foie et sont libérés dans l’intestin en cas de régime riche en graisses pour aider notre corps à les digérer. Les activités des bactéries présentes dans l’intestin influencent à leur tour le métabolisme des acides biliaires dans le foie. Ainsi, des interactions complexes dans le métabolisme des acides biliaires permettent d’alimenter la bactérie en taurine, avec à la clé des processus qui influencent la santé dans tout l’organisme.
Les microbes qui dégradent la taurine protègent contre les agents pathogènes : ces bactéries font ainsi partie de l’arsenal de mécanismes de protection du microbiome. Le sulfure d’hydrogène peut bloquer le métabolisme dépendant de l’oxygène de certains agents pathogènes. Au final, la bactérie Taurinivorans muris joue un rôle protecteur contre Klebsiella et Salmonella, 2 agents pathogènes intestinaux redoutables.
L’étude décrypte donc le mécanisme protecteur, dans le microbiote, des bactéries mangeuses de taurine, notamment via leurs émissions de sulfure d’hydrogène, avec la promesse, peut-être, de nouvelles thérapies contre les MICI.
Source: Nature Communications 18 Sept, 2023 DOI: 10.1038/s41467-023-41008-z Ecophysiology and interactions of a taurine-respiring bacterium in the mouse gut
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